« C’est là qu’il faut être », s’est exclamé Valls, tout heureux d’être à Davos, avec Macron, Fabius et autres, pour s’afficher avec le gratin de la finance...
Une première, parait-îl, pour un chef de gouvernement dit « socialiste ». Mais Valls est tellement empressé... et tellement inquiet de voir son ministre de l’Économie, premier de la petite classe des arrivistes, devenir le chouchou des patrons...
Création... destructrice
Et tout ce petit monde de privilégiés, grands et petits, de discourir contre le code du travail, les 35 heures, pour encore plus de flexibilité, de révolution numérique... à la une des débats, relayée par tous les médias, la prétendue quatrième révolution industrielle, la vague technologique qui – faite de numérique, de robotique, d’internet industriel, d’automatisation, d’ordinateurs surpuissants, de biotechs… – déferlerait sur l’économie-monde.
Une étude intitulée « The future of jobs », a été publiée par le World Economic Forum à l’ouverture de Davos. Elle annonce une destruction massive d’emplois, 5 millions, d’ici 2020 dans les pays riches.En fait, ces suppressions d’emplois, annoncées comme une fatalité économique à grands coups de publicité, n’ont rien à voir avec les contraintes de la technologie. L’économie de temps de travail que les progrès permettent, pourrait et devrait déboucher sur une diminution du temps travail qui pourrait facilement être répartie entre toutes et tous. Le problème n’est pas la substitution des robots au travail humain, mais celle des « freelancers » aux salariéEs, l’« ubérisation » de l’économie, la suppression des droits et protections des salariéEs. Le sujet favori de Macron et Valls...
Fini le contrat de travail, le salarié devient un « travailleur indépendant », et au salaire se substitue une rémunération basée sur un service... appelé plus couramment le travail à la tâche.Car leur révolution est en fait une terrible régression sociale, un retour au 19e siècle.
Déprime capitaliste
Cette quatrième révolution ne suffit pas à remonter le moral des puissants de ce monde qui voient leur système partir à la dérive. L’horizon est sombre. Le FMI vient de réviser à la baisse la prévision de croissance mondiale pour 2016. L’Organisation internationale du travail (OIT) annonce que le nombre des chômeurs dans le monde dépasserait les 200 millions en 2016. La réalité est pire encore, car dans de nombreux pays, personne ne comptabilise les chômeurs.
Le baril de pétrole vient de passer en dessous des 30 dollars. Les licenciements se multiplient, les investissements tarissent, les pays exportateurs de pétrole comme le Venezuela, le Mexique, le Nigeria, sont menacés de faillite. L’économie russe est elle aussi au bord de la faillite, alors que même l’Arabie saoudite s’engage dans l’austérité.Ce ralentissement globalisé de l’économie prépare le terrain à une nouvelle crise financière, une purge de la masse de capitaux spéculatifs, de crédits injectés pour faire marcher la machine à profit qui aujourd’hui s’enraye. La débâcle boursière de ces derniers jours en est un symptôme. Elle pourrait entraîner une baisse générale de la production, avec son cortège de licenciements, de fermetures d’usines, de misère.
Les beaux discours des capitalistes et de leurs serviteurs ne peuvent masquer cette réalité de plus en plus flagrante d’une économie qui ne fonctionne que dans le but d’accumuler toujours plus de richesses entre quelques mains. Ce que démontre l’étude d’Oxfam réalisée pour l’ouverture du forum de Davos : 62 personnes, multimilliardaires, sont aussi riches que les 50 % des plus pauvres de l’humanité, soit 3,6 milliards de personnes. Le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde a dépassé l’an dernier celui des 99 % restants (cf. Un monde à changer dans l’Anticapitaliste n°320).
De la révolution technologique à la révolution sociale
Cette folle course vers l’abîme de l’économie capitaliste ne pourra être stoppée que par l’intervention directe des travailleurs et des peuples à l’échelle internationale. Sous le capitalisme, les progrès technologiques ne servent qu’à accroître la plus-value au détriment des classes populaires. Et à l’heure où le capitalisme mondialisé a atteint ses limites, qu’il ne trouve plus de nouveaux champs d’expansion, ces progrès techniques sont directement tournés contre ces dernières.Ils ne pourront être mis au service de la collectivité qu’en mettant fin à la propriété capitaliste, au pouvoir de l’oligarchie financière. La révolution sociale à venir.
Yvan Lemaitre