Début décembre, le gouvernement doit statuer sur le « grand emprunt », une nouvelle manière de racketter les fonds publics au profit des industriels et de la finance. Sarkozy l’avait annoncé solennellement devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le 22 juin dernier.
Opposant « bon » et « mauvais » déficit, il avait confirmé sa volonté de poursuivre les réformes qui s’attaquent aux droits sociaux et aux services publics pour privilégier les « dépenses d’avenir ». Il était alors question, pour ce grand emprunt national, de 100 milliards d’euros et d’une souscription publique auprès des particuliers.Le montant en sera finalement de 35 milliards, dont 22 milliards seront levés sur les marchés financiers, le reste étant constitué par les montants remboursés à l’État par les banques. Sarkozy, qui voulait en faire une manifestation large d’union sacrée face à la crise, a dû en rabattre sur le projet initial tant son gouvernement et lui-même sont impopulaires, tant il est évident, dans de larges couches de la population, que cet emprunt, dans la continuité des plans de relance, ne serait destiné qu’à servir l’intérêt de ceux-là mêmes qui sont responsables de la crise.
Mais il a tout de même réussi à y associer des personnalités de gauche et les confédérations syndicales. C’est l’ancien Premier ministre socialiste, Rocard, qui a présidé, avec Juppé, de l’UMP, la commission chargée d’étudier les détails de l’emprunt, et toutes les confédérations syndicales se sont prêtées complaisamment à la concertation à laquelle les invitait Sarkozy, en tant que « partenaires sociaux », avec le Medef, comme elles le font sur bien d’autres sujets. Or si certaines, comme la CGT, estiment ne pas avoir été entendues, ce n’est pas le cas du Medef, qui peut s’estimer satisfait sur toute la ligne. Les milliards du grand emprunt seront en effet principalement consacrés à la recherche et au développement de « technologies d’avenir », dépenses parmi celles qui coûtent le plus cher aux entreprises sans assurance de rentabilité immédiate. Mais l’État va les prendre à sa charge sans exercer aucune contrainte en contrepartie.
Deux à trois milliards pourraient ainsi être utilisés pour construire un réseau à très haut débit en fibre optique dans les zones moyennement ou peu peuplées du pays. Un investissement lourd que l’État assurera en confiant la réalisation aux industriels du secteur, auxquels il offre par la même occasion un marché énorme. 800 millions sont réclamés par Airbus pour financer les recherches en matière de « transports d’avenir ». Les 16 milliards qui seraient consacrés aux universités et à la recherche – encore un vœu du Medef –, s’inscrivent dans le cadre des réformes qui renforcent les partenariats entre le privé et le public, la constitution de campus d’excellence, toutes choses qui conduisent à la privatisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a eu beaucoup de critiques, dans les médias et dans la classe politique, mais la grande majorité d’entre elles porte sur l’ampleur des déficits que cet emprunt va encore creuser et sur la nécessité de réduire, de comprimer… les dépenses publiques, d’accentuer les politiques d’austérité, de supprimer un plus grand nombre de postes de fonctionnaires, de sabrer encore dans les régimes de retraite. Le Medef et le gouvernement sont les premiers à le dire.
Le ministre du Budget, Éric Woerth, a promis à plusieurs reprises des « ajustements très importants » des dépenses publiques dans les prochaines années, et il a annoncé tout dernièrement, en lien avec le grand emprunt, qu’il allait demander des « efforts de productivité » aux opérateurs publics tels que l’Institut géographique national (IGN), la Météo, les Agences régionales de santé ou l’Institut national du cancer. Le gouvernement sert exclusivement les intérêts des gros actionnaires de l’industrie et des sociétés de finance. C’est essentiellement cette politique qui augmente la dette à des rythmes tels que l’État français va devoir lever 250 milliards d’euros tous les ans à partir de 2010 sur les marchés financiers, c’est-à-dire en empruntant aux mêmes que ceux qu’il a subventionnés grassement, en leur offrant ainsi une nouvelle source d’enrichissement. C’est une politique qui conduit à sa faillite.À la catastrophe annoncée, il n’y a qu’une réponse qui corresponde à l’intérêt collectif : l’annulation de la dette publique, l’expropriation des banques et des sociétés de finance pour constituer un service bancaire unique sous contrôle de la population. Galia Trépère