On n’en attendait rien de bien, on a quand même été déçuEs. Démagogie droitière, autoritarisme et destruction du collège unique : les récentes annonces de Gabriel Attal confirment les pires pronostics. Contrairement à son prédécesseur, le ministre Attal n’a pas affiché son mépris pour les enseignantEs. Malin, il prend soin de leur adresser une lettre dégoulinante de louanges.
Pourquoi ce nouvel « amour » pour les enseignantEs ? Creusons un peu dans le détail des mesures annoncées pour comprendre. Parmi celles-ci, méthode unique en maths et manuels labellisés en primaire, le rétablissement du pouvoir de faire redoubler les élèves, de leur imposer des stages pendant les vacances, l’intouchabilité des notes des correctrices et correcteurs du brevet et du bac… Répondant aux élans les plus réactionnaires, ces mesures prennent pour prétexte la question réelle du mal-être des enseignantEs, confrontéEs à un métier de plus en plus difficile, pour imposer une dérive vers un autoritarisme dépassé et largement contre-productif. On peut se demander qui est la cible de ces réformes : les enseignantEs, ou l’électorat de droite voire d’extrême droite, sur lequel Macron et ses ministres s’appuient de plus en plus ?
L’école du tri social
De Blanquer à Attal, la méthode a changé, mais la stratégie reste la même : mettre l’école en ordre de bataille, non pour mener « la bataille des savoirs », formule creuse, mais pour l’adapter aux nécessités d’un libéralisme de plus en plus brutal à l’école du tri social.
L’un des gros morceaux, c’est bien sûr la mise en place de groupes de niveau en français et en maths pour tous les élèves de 6e et 5e. Le ministre a beau s’en défendre, il s’agit bien d’enterrer l’ambition du collège unique, au profit d’un collège à trois vitesses, en classant les élèves en fonction de leurs résultats aux évaluations standardisées. Pire, pour les élèves jugés les plus faibles, le renforcement des « fondamentaux » en maths et français se fera à la place des heures des matières artistiques, de l’histoire, des sciences… Dès leur entrée au collège, une partie des élèves risque donc d’être enfermée dans un cursus « au rabais », qui en plus d’être particulièrement rébarbatif, va limiter leurs possibilités de poursuites d’études. Ce tri social s’amorcera dès l’école primaire où la standardisation des apprentissages via des méthodes uniques et des manuels imposés, le pilotage par les résultats aux évaluations, qui se déploient à presque tous les niveaux.
Renforcement de la concurrence entre élèves
Cette approche taylorienne de l’éducation transforme les profEs en exécutantEs et ne peut qu’ouvrir la voie à une révision de leur temps de travail : moins de travail de conception et de réflexion, plus de présence en établissement. Cette dynamique entravera l’interaction pédagogique entre profEs et élèves et pénalisera en premier lieu les enfants les moins conniventEs avec l’école. Elle justifiera a posteriori les groupes de niveau, qui reposeront de fait sur la docilité des élèves face à des activités en perte de sens dans une école mise au pas.
L’ambition feinte par le ministre est la réduction des inégalités. En réalité, toutes les études sur le sujet démontrent en effet que les méthodes préconisées profitent exclusivement aux élèves les plus performantEs, quand les plus en difficulté sont plombéEs par l’effet stigmatisant et l’impossibilité de profiter de la coopération avec des élèves plus en réussite. De plus, ils renforcent la concurrence et angoissent touTEs les élèves.
Le ministre prétend avoir « la science et le bon sens comme boussole » mais s’appuie exclusivement sur des considérations à l’emporte-pièce qui relèvent du café du commerce et tournent le dos à la complexité des sciences de l’éducation.
Plus que jamais, dans l’Éducation nationale, il faudra mener une bataille idéologique pour défendre une école commune, y compris contre une partie de nos collègues gagnés par le découragement ou les idées réactionnaires. Cela passe par remettre en avant la seule perspective permettant de faire face aux difficultés scolaires : le recrutement massif de personnels, la baisse de leur temps de présence pour pouvoir travailler mieux, la baisse les effectifs d’élèves dans les classes et établissements.