Tout est à nous ! revient régulièrement sur la réforme dite de masterisation des concours de l’enseignement. Un nouvel épisode est en train de s’ouvrir. Les lecteurs assidus de Tout est à nous ! savent qu’une année de formation payée (le stage) est remplacée par un ou deux ans d’études non payés. On savait qu’en créant un pool de reçus-collés (les étudiants ayant obtenu le master mais échoué aux concours), cette réforme ouvrirait la voie à un recrutement des enseignants sur des postes non statutaires dans le public. On sentait venir la privatisation rampante de l’éducation, puisque ces diplômés de master Métiers de l’éducation sont une main-d’œuvre rêvée pour les établissements privés hors contrats, qui pourront s’appuyer sur les diplômes de leurs enseignants pour justifier d’un sérieux sans pour autant avoir à respecter le cadre de l’Éducation nationale en termes d’enseignement ou de statut des professeurs. Mais on n’avait pas encore vu qu’en désorganisant complètement la formation professionnelle des enseignants, le gouvernement se donne une deuxième porte pour la privatisation. En effet, avec cette « réforme », les nouveaux professeurs, à peine le concours réussi, se verront confier un temps plein d’enseignant et donc une ou des classes en responsabilité, sans y être préparés. Voici ce qu’en dit Forprof, un groupe privé de préparation des concours de l’enseignement, qui a su flairer le filon : « prendre une classe en main sans formation est difficile, voire risqué ». Forprof propose donc des stages durant l’été et toutes les périodes de vacances, et même un « coaching pédagogique personnalisé » durant l’année en cas de besoin. Bilan, en plus d’allonger la durée des études, ce qui ferme l’accès aux étudiants issus des classes populaires qui ne peuvent se payer des études aussi longues, on place les jeunes profs dans une situation de stress telle qu’ils auront vraisemblablement besoin de soutien extérieur, privatisé. Pour finir le tableau, la réforme est mise en place sans transition dès l’année 2010-2011. En effet, cette année, les candidats devaient avoir un bac+3 pour passer les concours alors que l’an prochain, il faudra être inscrit en M2 (et le valider durant l’année). Il y a donc un problème : quand bien même les candidats malheureux aux concours de cette année décideraient de faire ces années d’études supplémentaires, ils ne pourront se présenter qu’en 2011-2012. Enfin, il faudra s’inscrire très tôt aux concours (en juillet soit six mois plus tôt que d’habitude !) et avoir validé son Master 1 en juin. Ce calendrier ne laisse aucune place pour la rédaction d’un mémoire ou pour un stage durant l’été, et aucune possibilité de rattrapage. De nombreuses préparations publiques sont donc contraintes de fermer, au moins pour 2010-2011, par manque d’inscrits, permettant l’ouverture d’établissements privés qui proposent des masters Métiers de l’éducation. Ils peuvent aussi le faire si les étudiants sont assez nombreux, comme à Lyon par exemple (voir Tout est à nous ! n° 56). Hugo Harari-Kermadec