Pour le ministère de l'Education nationale, les évaluations CE1 et CM2 ont pour finalité de « disposer d'un instrument de pilotage du système éducatif, du niveau local de l'école jusqu'au niveau national ». Une finalité qui, mise en regard avec l'actuelle réforme de l'Ecole primaire, permet de comprendre qu'il s'agit avant tout de mettre en concurrence les écoles et de déréglementer le service public d'Education.
Les évaluations CM2 se sont déroulées au mois de janvier, leur analyse et condition de réalisation ont fait surgir, dès la fin de l'année 2008, les plus vives inquiétudes dans la communauté éducative. Tous les exercices proposés ne permettaient pas de savoir ce qui était réellement acquis ou non par les élèves. Pour chaque item, un seul exercice permettait de mesurer les différentes acquisitions. Deux tiers des exercices du domaine numérique faisaient intervenir des nombres décimaux alors que cet apprentissage ne commence qu'en CM1 et n'est souvent repris qu'au deuxième semestre du CM2, donc après janvier. Ces exercices ne permettaient donc pas de mesurer les réussites ou les échecs des élèves à plus forte raison lorsque les connaissances elles-mêmes n'ont pas encore été étudiées. La ne laissait aucune place pour identifier les erreurs et pour comprendre les stratégies des élèves. Lors de la saisie, l'enseignant n'avait que deux choix possibles, réussite ou échec, 1 ou 0.
Afin de contrer cette mesure ministérielle, de nombreux enseignants ont refusé ces évaluations (pas d'interrogation sur les items non vus, pas de remontée, remontée partielle des résultats par des fiches de saisie proposées par les syndicats, communication orale auprès des familles, etc.). Ces actes de désobéissance ont valu à leurs auteurs de nombreuses pressions, directes ou indirectes, allant jusqu'à des convocations où il se sont vus intimer l'ordre de s'exécuter sous peine de retrait de fonction. Afin de gonfler les statistiques, le ministère n'a pas hésité à faire également pression sur les inspecteurs de circonscriptions afin qu'ils modifient le résultat des évaluations des écoles de leur secteur, légitimant leur opération par le fait que l'Académie ou le département était classée dernier dans la remontée des résultats.
Le ministère vient de publier les résultats nationaux des évaluations de CM2. Les résultats seraient moins bons en mathématiques qu'en français. Mais comment analyser correctement une évaluation aussi peu fiable ? Les programmes de mathématiques sont-ils inadaptés ou s'agit-il des difficultés des élèves à comprendre des notions non encore abordées en classe ?
Les résultats sont publiés en ligne, il ne s'agit pour l'instant que d'un classement par académie, mais le ministère ne s'arrêtera pas là afin de pouvoir montrer du doigt les écoles qui « travaillent si mal ». Car une des finalités est bien d'en finir avec la liberté pédagogique en imposant dans chaque école et dans chaque classe, des apprentissages définis par en haut et calqués sur les nouveaux programmes fortement décriés.
Alors que se profilent les évaluations CE1, en mai, le ministère serait bien avisé de se souvenir de la contestation qu'ont fait naître les évaluations CM2. Car l'enjeu réel et ressenti par les enseignants est bien celui de limiter l'exercice de leur métier, de développer une culture du résultat et des chiffres pour une meilleure concurrence des écoles publiques sur le modèle des entreprises privées, concurrence qui aura également pour conséquence, le développement des établissements privés.