La motion ci-dessous a été adoptée à l’unanimité du 4e congrès du NPA.
Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs mènent des attaques contre l’éducation. Mais ces attaques ont été faites en ordre dispersé en s’en prenant tour à tour à tous les secteurs de l’éducation. Le gouvernement Macron, fort des faiblesses du mouvement social et politique, se lance dans une réforme d’ampleur qui vise à transformer radicalement le système éducatif et ses finalités.
Nous avons, pour la première fois depuis plusieurs années, une fenêtre de tir. Pour consolider et amplifier la mobilisation, nous devons lier la réforme du supérieur et celle du lycée, pour montrer qu’il s’agit d’un ensemble cohérent qui vise à rendre les jeunes « employables » et annihile toute conception émancipatrice de l’éducation. Ces réformes s’inscrivent également dans le projet libéral du gouvernement pour mettre en compétition les établissements et casser le statut des enseignants.
Une école de l’employabilité
La loi Vidal, le plan étudiants, et maintenant le rapport Mathiot, constituent en effet des attaques structurelles contre la jeunesse et contre notre classe sociale. Refusant d’accueillir les 40 000 étudiantEs supplémentaires du babyboom de l’an 2000, le gouvernement met en place la sélection à l’entrée de l’université et généralise la compétition. Il crée des difficultés par la pénurie de moyens et en profite pour réformer en profondeur le service public d’éducation de bac – 3 à bac + 3. L’objectif du gouvernement serait de remplacer une école de l’éducation et de l’émancipation par une école de l’employabilité. Derrière ces réformes, l’objectif est de renforcer les inégalités entre le capital et le travail, et d’orienter/sélectionner les jeunes, et en particulier les jeunes de la classe ouvrière pour leur accès à l’enseignement supérieur en fonction de leur bac : la destruction des diplômes nationaux et le renforcement de la sélection vont permettre au patronat de faire baisser les salaires.
D’un côté, le gouvernement met en place les « attendus » destinés à sélectionner les bachelierEs à l’entrée de la faculté, de l’autre il détruit le bac comme examen national et premier grade universitaire pour accéder aux filières non sélectives. Le rapport Mathiot propose, sous les directives de Macron, un changement profond des objectifs du lycée, des conditions de travail et des statuts des personnels. La semestrialisation conduit à l’annualisation des services ; le contrôle continu conduit à une surcharge des obligations de service non rémunérées et d’activités d’évaluation plutôt que d’apprentissage ; la réorganisation en majeures-mineures conduit à la disparition de disciplines ; la baisse des horaires élèves conduit à un plan massif de suppressions de postes ; la connaissances de 75 % des notes du bac en avril transforme le bac en outil de sélection et de tri pour empêcher l’accès des jeunes des classes populaires à l’université ; le contrôle continu dévalorise le bac en diplôme local. Si le rapport Mathiot fournit des propositions au gouvernement pour réformer le bac et le lycée, le plan Darmanin en fournit la méthode pour restructurer la fonction publique en appliquant les méthodes managériales du privé : réduction de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici à 2022, recours amplifié aux contractuelEs, recrutement local, suppression de la garantie de l’emploi…
Parachevant cette transformation majeure de l’université, le plan étudiants renforce le processus sélectif au cours de la licence en supprimant les compensations entre UE et entre semestres, et en supprimant les rattrapages. Le gouvernement a choisi un plan d’action ultra-rapide pour mettre en place ce projet, en demandant aux enseignants du secondaire de mettre en place la réforme alors qu’elle n’est même pas encore adoptée légalement, cherchant par là à faire avorter la mobilisation.
Cette cohérence de l’ensemble des attaques du gouvernement commence à apparaître à une échelle relativement large chez les étudiantEs et les enseignantEs. Ces attaques se situent dans la continuité d’une série de réformes sur plusieurs décennies : LMD, autonomie des universités (LRU). Il est crucial de décortiquer les implications de cette réforme, notamment en ce qui concerne l’exclusion des classes populaires de l’ESR. Par ailleurs, le modèle des universités des années 1960 est largement en crise, avec un chômage de masse à la sortie des études supérieures, et le gouvernement Macron répond à sa manière à ce problème. En tant que parti, nous devons donc aussi répondre à cela, et il nous est nécessaire de proposer un autre système éducatif en positif.
Mobilisation générale !
C’est pourquoi nous devons, dès maintenant, proposer une politique pour l’ensemble du secteur, cherchant à unifier lycéenEs, étudiantEs, personnels et enseignantEs, de la maternelle à l’université, ce que ne veulent pas les directions syndicales. Ainsi la division entre le second degré et l’enseignement supérieur, orchestrée par le SNES qui a posé la date de grève du 6 sans faire le lien avec le mobilisation du 1er février, a largement fait débat, dans les syndicats, particulièrement à l’intérieur de la FSU, entre le SNES, le SNESUP et le SNASUB, et à l’intérieur même du SNES. De la même façon, l’absence de consignes claires du SNES concernant le boycott des avis de conseil de classe et de la « fiche avenir » laisse les collègues désemparés et isolés face à l’administration. La majorité de la direction du SNES n’est pas fondamentalement opposée à une « meilleure gestion des flux » (donc à la sélection / orientation) et ne souhaite pas une mobilisation générale contre la sélection. Le SNESUP a été obligé d’appeler à des coordinations des mobilisations locales sur les universités et à la date du 1er février. Mais le parcours de la manifestation parisienne (800 mètres...) montre qu’il ne cherche pas à réellement organiser l’affrontement. La coordination nationale de l’éducation (CNE), que nous devons utiliser pour tenter de développer la mobilisation, reste pour l’instant un outil cadenassé par les directions syndicales. Nous devons nous y investir tout en cherchant à impulser une véritable cadre d’auto-organisation, comme une coordination étudiante.
Nous devons défendre une plate-forme revendicative claire qui permette de faire le lien entre les différents degrés de l’enseignement, et entre lycéenEs, étudiantEs et personnels :
• Retrait de la loi Vidal et du plan étudiants
• Contre la fusion des universités, contre les Communautés d’universités et établissements (COMUE)
• Maintien du bac national comme premier grade universitaire
• Boycott des « fiches avenir », imposer des avis « très favorables » aux conseils de classe en lycée
• Créations massives de postes de titulaires de la maternelle à l’université
• Contre l’autonomie des universités, et pour une augmentation des budgets pérenne
Nous proposons un plan d’action en nous appuyant sur les dates de mobilisation pour élargir le mouvement, le faire converger et développer l’auto-organisation :
• Unifier le mouvement par les revendications communes
• Unifier lycéenEs, étudiantEs, enseignantEs, personnels par des coordinations à tous les niveaux
• Faire de chaque échéance un objectif pour amplifier le mouvement
• Rassembler les grévistes dans des AG
• Aller vers la grève reconductible.
L’AG toulousaine a appelé à une nouvelle date de mobilisation le 8 février, nous devons nous en servir comme tremplin après le 6 pour ancrer la mobilisation et la renforcer. Dès maintenant, nous avons en ligne de mire la date du 14 février (où Blanquer présentera sa reforme du lycée au conseil des ministres).
Dans les universités, cela passera nécessairement par la grève : nous devons mener la bataille dans les AG pour en convaincre le maximum d’étudiantEs. Sur les lycées, il faut pousser à la massification du mouvement. La CNE proposée le jeudi 8 février pose notamment des problèmes de représentativité nationale de l’auto-organisation. C’est pourquoi nous y défendrons une prochaine date de coordination nationale sur un week-end. Notre objectif reste de créer un cadre auto-organisé qui regroupe le plus largement possible.
Intervenir comme parti
Notre intervention en tant que parti peut être décisive : partout où les camarades sont en mesure de le faire, nous devons intervenir devant les lycées avec comme objectif de les faire débrayer. Les actions de blocage ne peuvent pas se substituer à l’extension de la grève. L’extension du mouvement passera par le développement de l’auto-organisation et de la coordination entre les sites mobilisés (AG, coordinations locales et nationales…) en vue de construire une grève généralisée jusqu’au retrait des projets de réformes.
Pour pouvoir développer une telle politique, il est nécessaire de renforcer nos liens. Nous devons davantage discuter pour être en capacité d’impulser les dates et les rythmes de mobilisation. Pour cela, nous devons nous ressaisir de nos instances, les coordonner, à commencer par le bureau du secteur jeune et la commission éducation nationale. Nous devons nous coordonner au-delà de nos différentes interventions syndicales, et faire en sorte que les camarades soient en capacité de développer une politique cohérente quelle que soit leur appartenance : UNEF, Solidaires ÉtudiantEs, UET, FSU (avec ses différentes tendances), CGT, SUD… Tout le parti doit se saisir du matériel produit par le secteur jeune pour intervenir sur les lycées et les universités.
L’importance de l’attaque du gouvernement justifie en elle-même que nous nous jetions pleinement dans la bataille mais, au-delà, au moment où d’autres secteurs comme la santé commencent aussi à frémir, il est certain que si la jeunesse entre en jeu, cela peut considérablement modifier la situation politique. 50 ans après mai 68, le meilleur moyen de célébrer cet anniversaire est d’œuvrer à la construction de ce mouvement.
Le congrès invite le parti à se saisir de cette question qui dépasse de loin le simple enjeu sectoriel mais participe pleinement des bouleversements structurels que mène ce gouvernement au service du patronat et des classes dominantes.
Le 4 février 2018