Les mobilisations dans l’éducation se poursuivent avec de grandes diversités de rythmes et d’intensité, ancrant de plus en plus profondément dans les consciences la compréhension de l’enjeu de s’opposer à l’ensemble des lois Blanquer. Mais la contradiction demeure : l’attaque globale contre le système éducatif nécessiterait une riposte centralisée et coordonnée. Or rien de tel n’apparaissant, les initiatives restent dispersées et ponctuelles.
L’année scolaire s’égrène, Blanquer joue la montre. Alors que parents, enseignantEs et chercheurEs ont méthodiquement disséqué et démonté ses projets, alors que les sénateurs remettent en cause un des articles de la Loi de l’école de la confiance les plus contestés par les enseignantEs du 1er degré et que le Monde publiait, le 17 mai, une tribune pour expliquer « Il faut sauver le soldat Blanquer », ledit Blanquer persiste à dire qu’il appliquera ses réformes. Un ministre dont la légitimité s’est considérablement affaiblie, mais qui ne renonce pas tant qu’il n’y est pas contraint, un concentré de la situation du gouvernement Macron-Philippe.
Une semaine remplie d’initiatives
Entre l’Acte 26 des Gilets jaunes en défense du service public d’éducation (au cours duquel une enseignante a été interpellée pour avoir brandi une pancarte anti-Castaner et anti-Macron) et la manif nationale appelée par la FSU le samedi 18 mai, la semaine a été remplie d’initiatives : semaine d’action à Toulouse (avec blocage du rectorat le 14 mai, début de la discussion au Sénat), grèves au Havre et en région parisienne le 14 mai, journée école déserte dans plusieurs villes du 93 le 16 mai. Chaque fois ce sont des minorités qui se mettent en grève ou qui manifestent. De ce point de vue, la manifestation du 18 mai à Paris était significative. Avec un cortège des établissements mobilisés où, derrière chaque banderole d’établissement ou de ville, il y avait quelques personnes très dynamiques déterminées à se faire entendre et avec un cortège de la FSU qui aurait été une réussite pour la seule région parisienne, mais moins pour une mobilisation nationale, on avait une photographie de la situation. D’un côté, des syndicats qui ont encore des forces, mais qui ne les jettent pas dans la bataille ; de l’autre, des équipes qui se sont soudées depuis des semaines et des mois de mobilisation, qui reprennent aussi les slogans des manifs Gilets jaunes, manière de montrer les convergences de revendications, mais qui ne parviennent pas à bousculer l’inertie des directions syndicales ni à surmonter l’émiettement. La détermination à ne rien lâcher chez les unEs et les autres est aussi le produit d’un sentiment fort que la légitimité est du côté de celles et ceux qui refusent, car celles et ceux qui défendent les réformes de Blanquer ne sont pas en force, ni dans les salles des profs ni dans les réunions de parents.
Il y a le feu à la baraque
La question est finalement, à cette date, de savoir ce qui pourrait, dans un contexte d’instabilité politique que les résultats des élections européennes risquent de renforcer, permettre de renverser la table à laquelle Blanquer se cramponne. Face à l’urgence d’empêcher la mise en place d’un système éducatif qui instaurerait la sélection sociale dès le CP, en la durcissant à chaque niveau de scolarité, avec le couronnement de Parcoursup qui liquidera le bac comme diplôme ouvrant à tout bachelier la possibilité d’une poursuite d’études librement choisie, il y a nécessité d’envisager des modes de mobilisation inhabituels. C’est pour cela que, dans le second degré, des enseignantEs ont posé, dans le SNES, la question de la grève le jour du bac de philo, et que des enseignantEs de lycées professionnels du 93 tentent d’organiser la grève des corrections des examens (BEP et Bac pro). La seule année où le bac n’a pu être organisé est 1968, et il s’agit d’une ultime forme d’action. Préparer la grève des examens, c’est engager une campagne d’opinion pour faire comprendre aux parents, aux élèves, à l’ensemble des enseignantEs qu’il y a le feu à la baraque, et qu’il s’agit de décider si on la laisse brûler ou si on vire les incendiaires.
Cathy Billard