Publié le Jeudi 16 mai 2024 à 18h00.

Une grève victorieuse à la Haute École des arts du Rhin

Le petit monde des écoles d’art publiques en France est dans le collimateur de la ministre de la Culture, Rachida Dati. Ses propos reflètent les politiques réelles de désinvestissement de l’État dans la formation artistique publique. 

Sur les 45 établissements publics, 11 sont des écoles nationales et 34 des écoles territoriales financées majoritairement par les collectivités locales. Le ministère de la Culture « laisse faire » les politiques locales qui réduisent leurs subventions aux écoles avec pour conséquence : suppression de postes, réduction des capacités d’accueil des étudiantEs, fermeture d’établissements, comme c’est le cas pour l’École d’art et de design de Valenciennes à l’horizon 2025.

Management agressif

Le souvenir des défaites de mobilisations, la vulnérabilité de ces écoles, la précarité des emplois pèsent de tout leur poids sur les consciences des personnels, si bien que les écoles d’art ne sont pas des lieux de résistance forte aux logiques capitalistes néolibérales qui s’y déploient, sur le plan des financements comme du management interne.

Ainsi, à la Haute École des arts du Rhin (HEAR, Mulhouse-Strasbourg), depuis l’arrivée du nouveau directeur en février 2024, les collègues ont été les témoins et les cibles d’un management agressif — qui a provoqué le départ de 7 agents en cinq mois et de nombreux arrêts maladie —  et d’un projet de « réforme structurelle » de l’école dont les « ambitions pédagogiques » ne faisaient que dissimuler le non-remplacement des départs à la retraite, la non-reconduction de collègues en CDD et la réduction des effectifs étudiants admis en première année (de 90 à 47 places). 

Sous couvert d’une « grande concertation » avec l’ensemble des équipes, la direction de la HEAR a non seulement confisqué et empêché le débat pour imposer sa « réforme » mais également contourné le comité social territorial et le conseil d’administration, en la mettant en œuvre de manière précipitée.

La grève porte ses fruits

Après les appels de la CGT HEAR à deux journées de grève qui ont mobilisé une très grande majorité du personnel ainsi que des étudiantEs le 26 mars et le 18 avril, un nouveau préavis de grève pour les journées du 6 et du 7 mai — jours de l’examen d’entrée en première année — a conduit à une assemblée générale qui a voté à une immense majorité la grève et l’annulation temporaire de l’examen d’entrée. Cette grève a conduit, mardi 7 mai, à des négociations avec la direction et la présidence qui ont accepté l’intégralité des revendications portées par la CGT HEAR : arrêt de la réforme, remplacement des départs à la retraite, reconduction des CDD, discussions en CST des conditions de travail.

À l’heure où des écoles publiques ferment ou sont menacées de fermeture à court ou moyen terme, où le secteur privé en profite pour ouvrir de plus en plus d’écoles sur le territoire pour satisfaire la demande sociale en matière de formation artistique (plusieurs milliers de candidatures chaque année pour très peu de places), nos luttes doivent se hisser à la hauteur des attaques qui nous sont portées. Cette grève victorieuse démontre que la détermination et les actions qui ne sont pas que symboliques sont toujours efficaces et nécessaires.

Thomas Voltzenlogel