Au cours d’une conversation avec des cheminotEs conviés à « discuter » avec lui lors du trajet inaugural de la LGV vers Rennes en juillet, Macron a réaffirmé sa volonté de détruire le régime de retraite des cheminotEs d’ici 2018, et d’en finir avec bon nombre de droits issus des luttes cheminotes. En échange de quoi il pourrait faire reprendre une partie de la dette du groupe public ferroviaire par l’État, qui s’acquitterait de son remboursement.
Pour rappel, la SNCF a été créée en 1937 pour répondre à la situation de faillite généralisée et d’endettement colossal des compagnies privées qui se partageaient le réseau auparavant. À sa création, la SNCF reprend donc l’intégralité de ces dettes. C’est ensuite sur ordre de l’État que la SNCF a creusé son endettement auprès des banques pour financer des infrastructures nouvelles, notamment en banlieue parisienne, puis la construction de LGV où le coût de construction au kilomètre se chiffre en dizaines de millions d’euros. Cette dette n’est donc pas celle des cheminotEs : leur demander de la payer équivaudrait à demander à un maçon de payer le crédit pris à la banque par l’acheteur de la maison.
Défendre les acquis sociaux des cheminotEs
Qui plus est, le régime dit « spécial » des cheminotEs ne protège déjà pas des faibles pensions. Et il ne protège pas contre l’espérance de vie réduite liée au rythme de travail et aux cadences imposées au chemin de fer, qui tourne 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365. Tout au plus, il le compense un peu, et encore, pas pour les dizaines de cheminotEs qui meurent tous les ans au travail. Et si aujourd’hui l’âge d’ouverture des droits est inférieur à celle du régime général et que la règle de calcul du montant de la pension est fixée sur les six meilleurs mois, une réforme de « justice sociale » serait l’amélioration du régime général en priorité : augmenter le montant des pensions et réduire l’âge de départ à la retraite qui s’éloigne de plus en plus pour les générations actuelles de travailleurEs en activité.
Alors même que les richesses créées, que les profits, les dividendes versés aux actionnaires battent des records et se sont multipliés en comparaison avec 1945, les gouvernants tentent de nous faire croire que la seule issue « viable » c’est la baisse des pensions et le recul du départ en retraite. Au chemin de fer comme ailleurs, pas question de l’accepter !
La privatisation des profits et la socialisation des pertes
Dans le cadre de l’ouverture à la « concurrence » du trafic ferroviaire prévue d’ici 2020 dans les réseaux ferroviaires régionaux (TER) – c’est à dire le retour des compagnies privées – le pouvoir prépare depuis plusieurs années une série de lois visant à assurer aux trusts lorgnant sur le marché une garantie de rentabilité élevée pour les actionnaires. La suppression du régime de retraite des cheminotEs constitue en ce sens une garantie donnée aux groupes intéressés : ils n’auront pas à payer les cotisations patronales spécifiques et plus élevées que celles du régime général s’ils récupèrent du personnel issu de la SNCF.
C’est dans le même esprit que la SNCF a été éclatée en trois entreprises distinctes : Réseau, Mobilités et une « holding SNCF » assurant un semblant de cohésion entre les trois. SNCF Mobilités étant considérée comme une compagnie ferroviaire parmi d’autres, en compétition et concurrence sur les voies de SNCF Réseau.
Dans cet optique, l’État, par le biais de SNCF Réseau, prendrait en charge le coût du développement (construction de nouvelles lignes, modernisation des systèmes d’exploitation, etc.), l’entretien et l’exploitation du réseau ferroviaire (régulation du trafic et gestion des postes d’aiguillages) et le lourd endettement qui en découle.
Macron veut vendre les cheminotEs
La compagnie qui, suite à un appel d’offres émis par la région en charge du réseau TER mis en vente, récupèrerait l’exploitation d’un « marché », se verrait octroyer un monopole d’exploitation sur lesdites lignes. Elle empocherait la totalité des subventions publiques de la région… et se verrait transférer le matériel roulant correspondant issu de l’ancienne SNCF… et les cheminotEs qui vont avec, déjà formés ! Avec, à la clé, la perte des droits en matière d’organisation du temps de travail et de repos. Pas besoin d’investir ou former : il n’y plus qu’à encaisser le chèque et récupérer le personnel dont on peut abaisser les normes sociales. Si les cheminotEs désignés au sein de SNCF Mobilités pour être transférés vers l’opérateur privé refusaient, ils seraient considérés comme démissionnaires.
C’est cette loi que prépare Macron pour début 2018. Deux sénateurs LR et UDI veulent même accélérer le processus et ont déposé une proposition de loi avec ce contenu au Sénat en septembre.
La mise à sac du Code du travail par voies d’ordonnances s’appliquera en plus aux cheminotEs dès leur entrée en vigueur. Contrairement à une idée reçue, les cheminotEs ne sont pas fonctionnaires mais des salariéEs soumis au Code du travail, à une convention collective et des accords d’entreprises conclus selon les règles établies par le Code du travail. Les raisons de se mobiliser ne manquent donc pas au chemin de fer. Elles soulignent au contraire la nécessité d’inscrire toute riposte des cheminotEs dans une stratégie globale de riposte de l’ensemble du salariat.
Sigurd Falköga