Entretien avec Robert Vanth, un des salariés de Fralib (à Gémenos dans les Bouches-du-Rhône). Depuis septembre 2010, ils sont en lutte contre la fermeture de leur usine. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a annulé jeudi 28 février le troisième « plan de sauvegarde de l'emploi » (PSE) du groupe Unilever. Une nouvelle étape dans la mobilisation. Pourquoi avez-vous quitté la réunion du comité d’engagement à la préfecture le 5 février 2013 ?La table ronde sur l’avenir de Fralib s’est tenue mercredi 3 octobre 2012 en préfecture des Bouches-du-Rhône, conformément aux engagements pris par l’Élysée. Rappelons que ce comité, dont la création a été décidé lors de la table ronde, était chargé de l’étude approfondie de tous les projets, et principalement de la solution alternative portée par les salariéEs qui devait figurer « en haut de la pile » selon les termes mêmes des pouvoirs publics. Ce comité d’engagement regroupe Marseille-Provence-Métropole, le conseil régional, Unilever et les services de l’État. Le préfet, qui soit dit en passant est le même que sous Sarkozy, nous avait affirmé que ce projet était prioritaire. De notre côté, nous avons déposé la dernière mouture, la Scop T.I., en préfecture le 6 décembre 2012. Nous sommes maintenant en février et le comportement de la préfecture n’est pas clair. Nous estimons que le comité n’a pas servi au lancement de notre Scop mais plutôt à envisager l’accompagnement du PSE dans le cadre de la revitalisation du bassin de l’emploi, ce qui est fort différent… Et vos exigences quant à Unilever, sur la marque et la prise en charge des volumes ?Unilever n’a pas bougé et la préfecture nous dit en gros de revoir notre copie, et donc de l’accepter. Il faudrait donc revoir le dossier au bout de deux ans ! Nous avons validé notre dossier avec l’accompagnement du gouvernement. Sans la marque et les volumes il faut retravailler les chiffres. Nous estimons que c’est à Unilever de payer, par la marque et les volumes, et certainement pas aux contribuables via des aides de l’État. Le projet est sur la table. La Scop crée une centaine d’emplois et des perspectives, pendant que la préfecture communique sur quelques déplacements de postes pour faire croire à des créations, et que la cellule de reclassement offre au mieux de l’intérim, et vraiment pas pour tout le monde. La solution satisfaisante, ce sont des CDI, c’est notre projet, la scop T.I. Depuis la campagne des présidentielles, bien des dirigeants socialistes sont venus à votre rencontre et ont pris position en votre faveur, qu’en est-il maintenant ?On peut dire que notre projet a été étudié avec François Hollande et Arnaud Montebourg. Ils sont venus et nous ont soutenus. André Chassaigne, président du comité de soutien national aux salariés de Fralib, est en contact avec Montebourg pour pousser le gouvernement. Nous venons d’envoyer une lettre à Hollande. Nous demandons un positionnement clair du gouvernement. Ce serait pourtant facile pour celui-ci d’agir, mais encore faut-il en avoir la volonté politique… On parle d’une loi d’interdiction des licenciements boursiers ou pour les entreprises qui font du profit ? Penses-tu que ce soit une arme efficace ?Le gouvernement en a parlé pour l’été. C’est énorme. Dans la situation actuelle, un gouvernement soi-disant de gauche doit agir. Il n’y a pas besoin de débattre, il y a nécessité et urgence de faire voter cette loi. Il y a un ras-le-bol collectif et ce sentiment pourrait pousser des salariéEs à passer à autre chose plutôt que d’attendre le changement qui ne vient pas. Cette loi ne résoudra peut-être pas tout car les multinationales savent s’adapter et se jouer des lois, mais commençons par la mettre en place, et là on verra. On observe depuis peu qu’à différentes initiatives, des salariéEs en lutte ont commencé à converger. Comment vous inscrivez-vous dans ce mouvement ?Par rapport aux multinationales, on est tous soumis à la même chose. Et, donc, en s’entraidant, on est beaucoup plus fort. On peut porter une lutte commune face aux comportements voyous de ces sociétés qui ne pensent qu’à se gaver. Ce n’est pas facile même si cette convergence est ouverte à tous et à toutes. Il faut trouver une position commune, tenir compte des échéances et de la situation des uns et des autres. Mais il y a maintenant un contact permanent, et la centralisation de tous ces sites est en cours. Il faut prendre étape par étape. Quelle est la suite prochaine ?On pensait pouvoir présenter nos partenaires au comité d’engagement pour montrer que tout cela était bien sérieux et sur les rails. Il n’y aura sûrement pas de nouvelle réunion du comité. Nous préparons donc une grande initiative pour le faire, où nous inviterons tout le monde très prochainement, histoire de ne pas baisser la pression. Nous avons appris qu’en face de chaque tentative de nous liquider, nous devons résister et que c’est grâce à la détermination solidaire entre tous ceux qui luttent que nous y arriverons une fois encore. 1. Scop T.I. : Société coopérative ouvrière provençale thé et infusionsPropos recueillis par David et Gérard (NPA 13)