L’histoire de la lutte des Goodyear est une leçon de choses. La fermeture du site est un véritable désastre social. « Sur tous les salariés, plus de 750 d’entre eux n’ont toujours pas trouvé de travail. Pour les autres, c’est simple : 70 personnes sont en CDI, environ 80 ont créé leur entreprise, entre 30 et 40 sont en CDD supérieur à 6 mois, une trentaine sont en intérim, il y a eu près de 140 départs en retraite et 9 sont décédés», selon Mickaël Wamen secrétaire du syndical CGT, animateur de la lutte figurant parmi les 8 condamnés à six mois de prison ferme.
Si l’annonce de la fermeture du site d’Amiens date de 2013, c’est en 2007 que s’est engagée une bataille sans merci entre la direction du groupe et les salariés de cette usine.
La direction passe en force
Cette année-là, la direction du groupe tente d’imposer une nouvelle organisation du travail afin de « préserver la compétitivité des sites » : l’abandon des 3×8 (trois équipes se relayant toutes les huit heures en semaine, et deux équipes de week-end se relayant toutes les douze heures) pour adopter le 4×8, (quatre équipes se relayant toutes les huit heures, y compris le week-end) unanimement jugée comme (encore) plus destructrice pour la santé. La direction s’engage à investir 52 millions d’euros dans les deux usines et menace : un accord est conclu ou les sites sont condamnés.
Lors d’un premier référendum, les salariéEs rejettent à 64 % ce plan que les syndicats majoritaires de Dunlop (CGT, CFTC, FO) valident. La CGT retire les mandats des signataires CGT de l’accord. Lors d’un nouveau référendum chez Goodyear, 75 % des salariés approuvent l’accord, mais la CGT, FO et Sud ont appelé au boycott, et seulement 54 % des salariéEs ont voté.
La CGT, syndicat majoritaire, fait valoir son droit d’opposition. La direction annonce le déclin du site, multiplie les annonces de plans sociaux, et organise la baisse de production.
Contre la fermeture, la colère et l’occupation de l’usine
En janvier 2013, la fermeture du site est annoncée pour fin 2014. Les salariéEs multiplient rassemblements et manifestations. Le 7 mars, lors d’un CCE, la police multiplie les provocations face à plus d’un millier de manifestantEs, dont une moitié de Goodyear, et des représentantEs de nombreuses entreprises en lutte. Les Goodyear se retrouvent présents aux cotés des Conti, des Ford, des PSA, de celles et ceux de La Redoute, des 3 Suisses, de Virgin, etc.
« Oubliant » ses promesses (pré)électorales et celles de Hollande, Montebourg condamne la CGT et s’aplatît devant Taylor, patron de Titan, éventuel repreneur. Taylor, patron voyou, multiplie les provocations : « Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l’ai dit en face aux syndicalistes français. Ils m’ont répondu que c’était comme ça en France »...
C’est dans cette ambiance que les Goodyear occupent l’usine début janvier 2014 et retiennent deux cadres pendant 30 heures sans que jamais la moindre violence soit exercée. Ce qui n’empêchera pas la direction de porter plante pour séquestration. Fin janvier, un accord est signé de triplement des indemnités avec l’arrêt des poursuites contre les salariés, accord censé permettre une reprise du site. Après des mois de négociation, après la tentative de créer une SCOP, toute reprise est définitivement abandonnée fin 2014.
Encourager les résistances, construire le soutien et la solidarité
Dans la foulée, le parquet décide de poursuivre 8 salariés pour séquestration. Une politique de répression sur fond d’état d’urgence qui vient dans la suite des poursuites engagées contre les salariés d’EDF, et l’hystérique campagne, avec les sanctions engagées contre les salariés d’Air France. Et aujourd’hui ceux de Ford (cf. ci-contre). Pour gouvernement et patronat, il s’agit de punir, de faire un exemple, pour décourager toute résistance, pour tenter d’imposer la seule voie du prétendu dialogue social.
Face aux condamnations prononcées, un vaste mouvement de soutien s’est immédiatement développé, avec aujourd’hui près de 150 000 signatures de l’appel à Hollande. La CGT soutient le mouvement en appelant à la création de comités de défense des Goodyear et en organisant un rassemblement le jeudi 4 février sur l’esplanade du Trocadéro à Paris.
La poursuite de la politique de cadeaux au patronat, d’austérité contre les travailleurs ne peut se poursuivre sans engager un bras de fer avec celles et ceux qui résistent. La mobilisation la plus large est indispensable pour faire reculer le gouvernement. Dès le 4 février, il faut engager d’autres rendez-vous, et avancer dans la construction d’un réseau de comités de soutien.
Robert Pelletier