Mercredi 12 octobre, Macron pensait réussir un double coup de génie : isoler les raffineurs en grève en s’appuyant sur l’opinion publique et mettre fin à la grève par les réquisitions. Mais rien ne s’est passé comme prévu pour le gouvernement.
Le soutien aux grévistes de TotalEnergies et d’ExxonMobil, en lutte pour des augmentations de salaires, s’est largement répandu, poussant même certains à se joindre à leur tour au combat. Bref, le climat social s’est brusquement réchauffé et les organisations syndicales ont saisi la balle au bond en appelant à une journée de grève interprofessionnelle le 18 octobre, sans que personne ait pu le prévoir moins de 24 heures plus tôt.
L’envie d’un « Tous ensemble »
La direction de la SNCF a déclaré de forts taux de grévistes : 30 % à l’exécution et 20,9 % en maîtrise le 18 octobre, contre 26 % et 18,6 % le 29 septembre. Une journée spontanément mieux suivie, annoncée seulement cinq jours à l’avance, laissant moins de trois jours aux équipes militantes pour y appeler. Ce succès ne relève pourtant pas d’une « meilleure » préparation. L’ambiance générale dans le pays a poussé davantage de cheminotEs à se battre eux aussi. « Les raffineurs ont ouvert la voie » ; « Il faut bloquer le pays » ; « C’est le moment d’y aller ». Diverses formules exprimaient l’ouverture d’une fenêtre de tir qu’il fallait saisir : l’heure de la revanche avait peut-être sonné !
La question de la reconduction
À la SNCF, si la CGT et Sud Rail ont appelé à la grève le 18 octobre, aucun syndicat ne s’est prononcé fermement en faveur d’une reconduction dès le lendemain, s’en remettant au mot d’ordre : « Aux assemblées générales locales de cheminots de décider ». Sous couvert de démocratie, cette position bien timorée leur évitait d’engager un vrai bras de fer. Toute la question se résumait ainsi : un nouveau secteur rejoindra-t-il les raffineurs en grève reconductible ?
D’après la CGT, au soir du 18 octobre, 55 AG avaient décidé de reconduire la grève et 94 d’en rester à une seule journée. Cela révélait une situation inédite : malgré l’absence d’appel clair à la reconduction, plus d’un tiers des assemblées de grévistes ont voulu se donner les moyens nécessaires pour s’adjuger le rapport de force et arracher les augmentations. Les AG qui ont voté la reprise du travail auraient souvent pu basculer de l’autre côté, à quelques voix près. Au sein même de la CGT et de Sud, de nombreux militants étaient très partagés. Preuve qu’une partie des grévistes, les plus sensibles à la combativité générale, durcissent le ton pour réaliser la contre-offensive dont le monde du travail a tant besoin.
Préparer la suite
Même si la reconduction généralisée de la grève n’a finalement pas abouti, tout ce qu’il s’est produit d’inédit dans cette séquence marquera les esprits : oui, il faudra que les AG dirigent les prochains mouvements ; oui, il s’agira d’engager un bras de fer « tous ensemble » en cherchant à densifier la mobilisation ; oui, nous avons besoin d’augmentations générales des salaires d’au moins 400 euros car les « primettes » saupoudrées ne suffisent plus.
À la SNCF, le 18 octobre, encore trop peu de grévistes cheminots se sont réunis en assemblée générale — la Gare du Nord, à Paris, faisant figure d’exception avec plus d’une centaine de participantEs. Cet ingrédient a manqué cruellement. La suite dépendra de la capacité des travailleurEs à prendre en main plus largement leur mouvement. Mais l’hiver s’annonce chaud.