L’annonce du projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord est une nouvelle démonstration de la volonté du patronat de poursuivre la liquidation de milliers d’emplois pour satisfaire la rapacité des actionnaires. C’est d’un nouveau massacre social dont il s’agit ici : la liquidation de 1 200 emplois dans l’usine, soit aux alentours de 5 000 suppressions d’emplois dans l’ensemble de la région.
Depuis 6 ans, à l’initiative du syndicat CGT largement majoritaire dans l’usine, les salariéEs de Goodyear se sont battuEs tant pour la défense des conditions de travail que contre les suppressions d’emplois. Ces 6 années de combat des Goodyear sont la démonstration pratique de la profonde nocivité de l’Accord national interprofessionnel (ANI) – signé par le Medef et les syndicats CFDT, CGC et CFTC – bientôt proposé à la ratification du le Parlement.
En 2007, la direction proposait un accord échangeant travail en continu, 24 h / 24 par 4 équipes tournantes, avec 450 puis 800 suppressions d'emplois, contre un investissement de 52 millions d'euros seulement si les conditions étaient acceptées. En 2009, la direction annonce un projet de suppression des deux tiers des emplois et une cession du tiers restant à Titan.
Combinant mobilisations et batailles juridiques, l’équipe CGT n’a jamais cessé de proposer parallèlement des alternatives industrielles préservant la totalité des emplois pendant que la direction du groupe refusait de donner le moindre détail sur ses projets. Autant de batailles qui seraient rendues pratiquement impossibles si l’accord scélérat était validé.
Leurs violences
C’est bien cette opposition radicale qui suscite la vague de violentes critiques déversées conjointement depuis quelques jours sur les équipes syndicales de PSA Aulnay et Goodyear. Le Premier ministre Ayrault, le ministre de la liquidation de l’emploi Montebourg, et Laurent Berger le digne successeur de Notat et Chérèque comme secrétaire de général de la CFDT, se répandent dans les médias pour défendre l’ANI liquidateur des droits des salariéEs et stigmatiser les équipes syndicales qui luttent contre la fermeture d’usines. Là-même où Hollande ou Montebourg s’étaient engagés à défendre les emplois pendant la campagne électorale.
Les éternels chiens de garde de la presse font semblant de découvrir que celui-ci est militant de Lutte ouvrière, que celui-là est militant du Parti communiste et suggère que le NPA participe à la préparation de violences à l’occasion du rassemblement au siège de Goodyear mardi 12 février1. Un sérieux coup de main pour justifier la poursuite de la criminalisation des luttes, avec la convocation chez les flics de Valls de cinq militants de PSA Aulnay et de cinq autres à des entretiens préalables en vue de licenciement.
La violence des attaques du patronat contre l’emploi et les conditions de travail, le soutien sans conditions que lui apporte le gouvernement font, plus que jamais, des batailles pour la défense de l’emploi un enjeu politique décisif.
Construire notre riposte
Malgré le poids du chômage et des défaites des dernières années, les mobilisations se développent. PSA Aulnay, Goodyear, Sanofi, Virgin, Candia, Pilpa, Arcelor, Fralib, Petroplus : autant de noms d’entreprise qui résonnent comme autant de foyers de résistances aux vraies violences, celles des patrons couvertes par l’État et la « justice ». Le meeting du 24 janvier, les rassemblements du 27 à Paris ouvrent la voie à l’indispensable coordination des luttes.
Même si des désaccords existent, les revendications défendues par les salariéEs, les équipes militantes posent des questions politiques. Le champ couvert par les mots d’ordre d’interdiction des licenciements sont certes différents selon que la revendication vise les « bénéfices », les « profits » ou les « licenciements boursiers ». Bien des nuances existent entre la réquisition, la nationalisation provisoire ou l’expropriation sans indemnisation et sous contrôle de salariéEs. Mais, dans tous les cas, le succès passe par la généralisation des mobilisations.
La dénonciation de l’accord sur la pseudo-sécurisation de l’emploi et la mobilisation pour empêcher sa validation doivent être un des moments de ce tous ensemble. Comme le crient ceux de PSA, « la grève est l’arme des travailleurs ». L’extension autour de celle des PSA, des débrayages à Renault, des jeudis de la colère des Sanofi est le pas décisif qu’il faut franchir. C’est cette arme qui seule peut changer le rapport de forces, qui seule peut asseoir une autre politique que celle du social-libéralisme, sinistre copie du sarkozysme.
Robert Pelletier
1. Le Parisien du 2 février 2013