Les liquidations d’entreprises se multiplient. Certaines, comme Lejaby, peuvent devenir des symboles politiques majeurs.Sarkozy commente : « La France se vide de son sang industriel, il faut garrotter. » Mais que fait-il ? Il a laissé couler SeaFrance, qui appartient à l’État lui-même, via la SNCF. Alors pour les entreprises privées… Le sommet « social » du 18 janvier n’a d’ailleurs accouché de rien, en attendant… la TVA sociale.
Et Hollande ? Il aurait fait un virage à gauche... Mais qui peut citer une seule mesure concrète et rapide pour empêcher les licenciements ? À Gandrange, il a dénoncé les promesses non tenues de Sarkozy, sans en faire aucune.
Et les défenseurs du « made in France » ? Des « visas sociaux et environnementaux » pour Mélenchon (outre une loi pour l’interdiction des licenciements boursiers). Pour Bayrou, les ouvrières de Lejaby garderaient leur boulot si les Français mettaient « deux euros de plus » dans l’achat de leur soutien-gorge. Marine Le Pen ? Elle dénonce surtout 10 % des licenciements, ceux qu’entraînent les délocalisations. Elle n’est pas pour interdire quoi que ce soit aux patrons qui les décident. Elle ne propose qu’une mesure fumeuse de taxe aux frontières, pour des lendemains incertains… et si le patronat y trouve son compte.
C’est qu’ils ne vivent pas ces licenciements comme une urgence. Ils respectent avant tout les fondements de ce système, le droit du patronat de licencier et de placer ses capitaux où bon lui semble.
Pourtant l’émotion est grande dans le pays : Hollande s’est décidé à envoyer Montebourg pour chercher une solution industrielle, « dans le haut de gamme ». Inquiet (des sondages), Sarkozy envoie alors Wauquiez. Suspense : lequel dénichera le repreneur miracle, et combien de millions d’euros de subventions lui proposeront-ils ?
Ce cirque doit s’arrêter. Un million de chômeurs en plus depuis 2007, ça suffit ! Il faut maintenant interdire les licenciements, garantir à toutes et tous un emploi par la répartition, le partage du travail.
Mais voilà un problème central de notre campagne : comment montrer que cette revendication n’est pas utopique, mais concrète et immédiate ?
Dans le cas de SeaFrance, l’État doit maintenir cette entreprises de transports publics et considérer les salariéEs comme des fonctionnaires. BNP Paribas, qui vit aux crochets de l’État et qui a des milliards en caisse, doit garantir l’emploi de tous les salariés de Cofinoga, sa filiale qui en supprime plus de 400. Chez Lejaby, il faut empêcher le patron requin d’empocher sa mise. La marque Lejaby doit être confisquée par les autorités et donnée aux ouvrières et salariéEs, en toute « propriété intellectuelle ». Lejaby, c’est elles. Il faut une commission d’enquête sur les comptes, sous le contrôle des salariéEs, qui pourrait choisir des experts payés par l’État : quels sont les profits réalisés par le repreneur et les anciens patrons, depuis environ dix ans ? Et l’argent empoché par les actionnaires et les banques ? Il doit revenir aux ouvrières. Il y a de quoi maintenir leur contrat de travail, largement.
Il faut réquisitionner ces entreprises, en faire des régies publiques, sous le contrôle des salariéEs.Est-il possible d’imposer ces mesures ? Il faut espérer une véritable explosion sociale en 2012. Or celle-ci n’a rien d’un grand soir. Elle est à construire. Les SeaFrance, les Lejaby, peuvent lutter ensemble, avoir le soutien de la population. Il est vital que les salariéEs frappéEs par les licenciements s’unissent pour faire un front commun pour leur interdiction. C’est ce qui rendrait possible un mouvement d’ensemble, capable d’arracher les indemnités de licenciements les plus élevées possible (objectif d’autant plus accessible que le pouvoir et le patronat craindront l’extension de la révolte), comme avaient réussi à le faire ceux de Continental en 2009, mais même, au-delà, d’imposer la fin des licenciements. Il faut aussi pour cela lutter contre la démagogie nationaliste. Les discours protectionnistes ont le vent en poupe. Il y a là une pression politique exercée par le Front national. Il y a aussi la façon dont le capital ne cesse de mettre toujours davantage en concurrence les travailleurEs (et les systèmes sociaux) de tous les pays. Et l’épuisement des fadaises libre-échangistes sur la « mondialisation heureuse ». Or c’est un poison pour les travailleurEs, un puissant ferment de division.
Nous sommes pour l’interdiction de tous les licenciements, y compris bien sûr quand ils prennent la forme de délocalisations. Pas parce qu’il faudrait « produire français » et faire ainsi la guerre économique aux autres peuples. Ce genre de guerre, ce sont toujours les travailleurEs qui y perdent leur peau. Un jour, des patrons nous disent de faire des sacrifices au nom de l’inéluctable mondialisation, un jour, d’autres (ou les mêmes) nous diront de faire des sacrifices au nom du protectionnisme, par exemple en payant une TVA « sociale ». Les délocalisations ne sont qu’une partie des licenciements. La source du chômage ce n’est pas le « coût du travail ». Le « capitalisme national » ne nous préservera pas du chômage. Pas plus d’ailleurs que toutes les réformes libérales pour être plus « compétitifs ».
Nous sommes pour interdire tous les licenciements, et immédiatement, que ce soit des délocalisations vers la Chine, la Tunisie ou l’Auvergne, ou des restructurations « immobiles » pour rentabiliser les entreprises. Pour nier le droit des capitalistes à faire ce qu’ils veulent de « leurs entreprises » et des masses de profits accumulées hier et aujourd’hui, et qui, pour nous, appartiennent à celles et ceux qui les ont produites.
Yann Cézard