Après les deux grandes journées de mobilisation contre la réforme de retraites, nous faisons le point sur les suites du mouvement avec un cheminot de Pantin.
Depuis la première grande manif du 19 janvier contre la réforme des retraites, comment se passent les discussions autour de la mobilisation ?
La grève du 19 janvier a été très bien suivie, notamment par des services de la SNCF qui ne sont habituellement pas les plus combatifs, chez les administratifs par exemple. Il y a eu un phénomène intéressant : les collègues en pointe lors de la grève de 2019 attendaient un peu de voir la réaction des autres avant de se lancer et lorsqu’ils ont vu que ça prenait, cela a eu un effet boule de neige avec unE cheminotE sur deux en grève ce jour-là. Depuis, tout le monde sait qu’il faudra certainement plus que quelques « journées d’actions », même réussies, pour gagner. Cependant, la grève qui a suivi le 31 janvier a été moins forte (10 points de moins), avec des AG assez faibles. C’est un gros souci de ces dernières années : les AG sont beaucoup moins fournies alors que c’est là que peuvent se décider les revendications et les actions concrètes pour construire le mouvement avec une prise en charge de la grève par les grévistes eux-mêmes. Beaucoup de collègues se contentent d’attendre sur les listes WhatsApp ou Signal ce qui a été décidé… sans eux.
Il y a aussi l’idée que le blocage est une sorte de fin en soi : en gros l’objectif est que « ça ne roule pas ». C’est une vision très restrictive de la grève qui se résumerait à un mouvement dans les transports publics, les routiers et les raffineries. Résultat, on entend au sein même de la SNCF des collègues dire : « ça ne sert à rien que je fasse grève, je ne bloque rien ». Mais la force de la grève, c’est la mise en mouvement consciente de millions de personnes : des secrétaires aux dockers en passant par les vendeuses des grands magasins. Le temps libéré par la grève doit servir à l’auto-organisation, réfléchir, aiguiser ses arguments, débattre, aller à la rencontre des salariéEs qui sont d’accord avec le mouvement mais qui ne l’ont pas encore rejoint.
Comment se prépare la mobilisation pour la semaine du 6 au 11 février ?
Le principal souci pour la grève aujourd’hui, c’est le manque d’argent. Des collègues qui ont fait grève le 19 et le 31 janvier posent des jours de RTT pour le 6 février, voire vont ne faire que 59 minutes de grève en prise de service. Tout le monde est pris à la gorge. Ça se ressent au quotidien. Par exemple, à l’atelier TGV de Pantin (93) ceux qui faisaient 20 minutes de voiture pour venir embaucher à 7 heures font maintenant 3 heures de transport en commun aller/retour par jour pour ne plus payer l’essence. Idem pour les cantines où on peut manger pour 5 euros : il y a beaucoup plus de monde qu’auparavant. On va avoir des collègues grévistes mardi (parfois en faisant « grève à la maison »), et samedi 11 février des non-grévistes dans la rue. Il ne faut pas opposer les deux. Samedi 11 février au soir, il faudra faire l’addition des manifestations de mardi et de samedi vu que ce ne seront pas forcément les mêmes personnes.
Comment est l’état d’esprit des collègues ?
Si le rejet de la réforme est énorme, pour l’instant tout le monde se regarde un peu en chien de faïence en se demandant qui va partir en premier. Et il y a un peu le sentiment à la SNCF que les cheminotEs ont déjà beaucoup donné (avec la RATP en tête) en 2019 et que c’est à d’autres de prendre le relais. Nous tentons de dépasser ces craintes en mettant dans le paysage la nécessité d’une grève générale tout en n’attendant pas un hypothétique appel qui viendrait d’en haut pour s’y mettre.
Propos recueillis par la rédaction