Cela fait environ dix ans que nous avons décidé de mener la bataille pour rendre visible la discrimination de salaire et de carrière dont les femmes sont victimes à STMicroelectronics. Une bataille longue mais victorieuse en appel aux prud’hommes !
Nous sommes 11 salariées, des ouvrières, des techniciennes, des ingénieures, syndiquées à la CGT à s’être inscrites dans cette bataille juridique. Il a fallu commencer par interpeller la direction dans les instances (DP et CE à l’époque) pour obtenir des informations, saisir l’Inspection du travail pour avoir des panels de comparaison, éplucher les rapports de situation comparée entre hommes et femmes produits par la direction, batailler contre l’insuffisance des accords égalités signés par les autres organisations syndicales, aller aux prud’hommes pour obtenir les informations chiffrées des salaires des hommes embauchés dans des conditions similaires aux nôtres… C’est l’ensemble de ce travail qui a permis de constituer un dossier solide mettant en lumière la réalité des discriminations à STMicroelectronics malgré les dénégations de la direction.
Un préjudice de 800 000 euros
Dans les cas de discrimination, la charge de la preuve est amenagée, c’est-à-dire que nous avons dû apporter les éléments qui montrent que nous sommes moins payées, que nos carrières ont moins avancé que celles des hommes. Une fois cela fait, c’est à l’employeur de prouver qu’il y a une bonne raison à cela, autre que le sexe. S’il n’y parvient pas, alors il y a discrimination.
À ce stade, le tribunal a chiffré les préjudices pour un total de plus de 800 000 euros mais nous a donné rendez-vous dans un an pour finaliser le chiffrage des rattrapages de salaires. En parallèle, il a aussi ordonné des repositionnements de coefficient pour certaines d’entre nous. Après cette audience en septembre 2024, chacune des parties pourra se pourvoir en cassation si elle le souhaite.
Une première victoire !
L’affaire n’est pas finie mais c’est déjà une première victoire importante. De nombreux articles sont parus dans la presse régionale et nationale, la DRH monde s’est sentie obligée de dire un mot à ce sujet en comité de groupe européen et notre DRH local à bien la rage !
Derrière cette victoire se cache malgré tout un peu d’amertume pour plusieurs raisons. D’abord les ouvrières et les techniciennes ont obtenu des réparations très faibles. Cela est en partie lié à la faiblesse des salaires de ces catégories : quand les salaires sont bas, les écarts sont de fait écrasés. D’autre part, la procédure est tellement longue qu’elle a mis notre détermination à rude épreuve et que, dans l’intervalle, l’une d’entre nous a été licenciée, deux autres sont parties… C’est notre solidarité indéfectible malgré les difficultés qui nous a permis de tenir jusque-là toutes ensemble !
La bataille n’est pas finie pour nous mais, surtout, elle commence pour toutes les autres femmes de l’entreprise. Depuis la parution des articles, nous sommes interpellées pour savoir si cela va avoir des conséquences plus générales, et dans tous les cas notre victoire est saluée par les salariéEs ! Reste maintenant à voir ce que va faire la direction et surtout comment nous pouvons pousser pour rattraper les carrières et les salaires de toutes les femmes en nous appuyant sur cette victoire juridique. En tant que militantes syndicales, nous avons voulu faire une démonstration, reste maintenant à transformer l’essai en mobilisant toutes les femmes pour faire valoir tout simplement notre droit à l’égalité professionnelle !