Publié le Mercredi 27 avril 2022 à 20h00.

Violences faites aux femmes : on ment dès qu’on élève la voix

La dernière série Netflix, « Anatomie d’un scandale », sortie le 15 avril, raconte l’histoire d’un homme qui a commis un viol et dont la victime a porté plainte. Et à la fin, il s’en sort.

Évidemment comme on est sur Netflix, l’injustice ne doit pas être totale et connait un petit retournement de situation dans les dix dernières minutes. Mais il n’empêche que sur les faits de viol, il est déclaré innocent. Il n’empêche que sa victime n’apparait quasiment pas dans l’histoire. Il n’empêche que la série est tournée comme un « he said / she said » classique cherchant à répondre à cette fameuse question : « Qui ment ? ». Et la fin est sans équivoque : si c’est bien lui qui ment, c’est elle qui est considérée comme une menteuse. Et dans la vraie vie, c’est tout pareil.

Trois affaires emblématiques

Un peu passées au second plan ces derniers jours, trois affaires sont emblématiques de la violence de l’appareil judiciaire et médiatique contre les femmes qui portent plainte en France comme ailleurs.

Il y a d’abord le 14 avril dernier la condamnation, consternante, de Coline Berry-Rojtman pour diffamation après qu’elle a publiquement accusé son père, Richard Berry, et son ex-belle-mère, Jeane Manson, d’agressions sexuelles et de viols alors qu’elle était enfant. Déclarée coupable pour avoir dénoncé des faits qui eux, n’ont pas encore fini d’être investigués. Coupable d’avoir parlé en somme, d’avoir élevé la voix contre ­l’inceste qu’elle subi.

Il y a ensuite le 22 avril l’acquittement, hallucinant, des deux policiers Antoine Quirin et Nicolas Redouane, accusés de viol par la canadienne Emily Spanton dans les locaux de la police judiciaire au 36 quai des Orfèvres. Ce jugement rendu en appel vient déclarer les policiers innocents au prétexte, notamment, que leur victime n’était pas crédible.

Il y a toujours, à l’heure où ces mots sont écrits, la vague de soutien, écœurante, à Johny Depp, que son ex-compagne Amber Heard accuse de violences et de viol. Ce déchainement de fans et d’articles de presse visent à démontrer l’innocence de Johny Depp en décortiquant les moindres phrases, les moindres faits et gestes de sa victime qui est transformée, de fait, en éternelle coupable.

Des conséquences sur nos vies

Systématiquement, lorsque nous dénonçons les violences dont nous sommes victimes, lorsque nous portons plainte, nous sommes catégorisées menteuses. Nos mobiles ? L’argent, la gloire, le pouvoir. Et donc les mots sont posés : si nous mentons, c’est par jalousie, par volonté de nuire, par ambition. Et ces accusations terribles ont des conséquences tout à fait réelles sur nos vies à toutes.

Lorsque l’une d’entre nous se retrouve sur le banc des accusées pour diffamation et se fait gifler en plein tribunal comme cela a été le cas pour Coline Berry-Rojtman. Lorsque les violeurs de l’une d’entre nous sont déclarés innocents sous les applaudissements de leur collègues, comme cela a été le cas pour Emily Spanton. Lorsque le procès médiatise les attaques dont sommes victimes, comme cela est le cas pour Amber Heard accusée tout à la fois de ne pas pleurer, puis de trop en faire. Lorsque l’une d’entre nous est accusée de mentir, nous hésitons toutes à parler. Après MeToo et la libération de la parole nous devons maintenant obtenir la reconnaissance de la vérité. Sans la justice, nos voix ne pourront jamais être entendues.