Les chiffres disent encore peu de l’ampleur du drame humain. Ce sont pourtant des chiffres de guerre, et l’ONU annonce que l’année 2016 a été celle d’un macabre record. 5 000 hommes, femmes et enfants sont morts en mer Méditerranée. C’est plus de 1 000 victimes supplémentaires par rapport à l’année précédente... qui était déjà un record.
À la frontière entre la Grèce et l’Italie, deux syndicalistes basques ont été arrêtés et sont menacés de peines de prison pour avoir tenté d’aider 8 migrants à rejoindre le Pays basque. Autour de la frontière avec l’Italie, les flics patrouillent pour empêcher des personnes solidaires de distribuer du thé, de la nourriture ou des couvertures. Plusieurs habitantEs de la Roya dans les Alpes-Maritimes risquent des peines de prison pour avoir aidé des migrantEs cet automne.
À Calais, des habitantEs doivent s’organiser de manière quasi-clandestine face à la surveillance policière et aux risques de délation pour simplement héberger chez eux des migrantEs à la rue.
À Paris, des kilomètres de grilles ont été installés dans les arrondissements du nord pour empêcher les migrantEs d’installer des campements. À Saint-Denis des grilles ont été installées sur 600 mètres là où les migrantEs s’étaient repliés de l’autre côté de la porte de la Chapelle.
Une chose est sûre : en 2017, cette politique et ses conséquences sur l’évolution de notre société vont continuer. Des morts par milliers, la traque policière dans nos rues, des agressions racistes, des centres incendiés, les « on est chez nous » scandés dans des meetings du FN... Vous en voulez un signe ? Aucun des principaux candidats de la présidentielle ne prône une rupture avec cette logique politique. Sans même parler des candidats de droite ou d’extrême droite ou des candidats du PS, même Jean-Luc Mélenchon s’oppose à la liberté de circulation et d’installation...
Alors 2017 sera pire que 2016. À moins que...
Chasser un climat nauséabond
À moins que les dizaines de milliers de personnes qui agissent d’une manière ou d’une autre en solidarité avec les migrantEs depuis des mois refusent tous les pseudo-arguments expliquant qu’« on ne peut pas accueillir toute la misère du monde »... Parce que l’an dernier, la France a reçu, en proportion de sa population, 12 fois moins de réfugiéEs que la Suède, 11 fois moins que la Hongrie et 6 fois moins que l’Allemagne ! Parce que ce sont les mêmes arguments qui légitiment aussi tous les reculs sociaux.
À moins que ce mouvement de solidarité en tire les conclusions et rompe tout paternalisme avec les migrantEs pour favoriser leur combativité contre « notre » État et ses politiques sécuritaires et racistes.
À moins que le mouvement de solidarité construise des rendez-vous de lutte pour renverser l’hégémonie des arguments dominants et se coordonne.
Une rencontre nationale en solidarité avec les migrantEs est proposée à Caen les 21 et 22 janvier avec des échanges d’expériences et des discussions sur « comment aller au delà de l’aide matérielle » et « comment s’organiser sur des bases égalitaires entre personnes solidaires et migrantes ».
Lancé par les familles de victimes des violences policières, un appel circule pour faire du 19 mars une marche pour la dignité et la justice. Ce même week-end, des manifestations auront lieu dans toute l’Europe contre le racisme et le fascisme et en solidarité avec les migrantEs. Cette date peut devenir l’occasion de développer une campagne reliant comités, collectifs, personnes solidaires, contre les violences policières et la répression, contre le racisme et le fascisme, pour la liberté de circulation.
Une alternative au climat nauséabond de la campagne à venir.
Denis Godard