Voilà plus de cinquante ans que le clan Eyadema règne en maitre sur le Togo, petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest, cinquante ans de corruption, d’arbitraire et de répression. Les mobilisations contre ce régime prennent de l’ampleur.
Une longue dictature sanglante
En 1967, un sergent de l’armée togolaise Étienne Gnassingbé Eyadema va prendre le pouvoir avec la bénédiction de la France en assassinant Sylvanus Olympio premier président du pays qui est considéré par Paris comme trop indépendant.
A la mort du dictateur en 2005 c’est son fils Faure Gnassingbé qui va prendre le pouvoir suite à une farce électorale, que la France va légitimer, et qui provoquera des protestations violemment réprimées faisant des centaines de mortEs, des milliers de blesséEs et provoquant l’exode de dizaines de milliers de TogolaisES. Pour conserver son pouvoir Faure Gnassingbé veut organiser un référendum pour changer la Constitution en instaurant une limite de deux mandats qui naturellement ne s’appliquerait qu’à la prochaine mandature. En d’autres termes cette nouvelle Constitution lui permettra de rester au pouvoir jusqu’en 2025 voire 2030.
Les mobilisations s’organisent contre ce référendum et pour exiger le départ de Faure Gnassingbé et l’application de la Constitution de 1992 qui avait été adoptée par une très large majorité de la population suite aux luttes des années 90.
Le pouvoir tente d’écraser cette mobilisation par une répression féroce, les manifestations sont systématiquement réprimées dans le sang. Le pouvoir organise des milices pour contrer les manifestantEs. Quant aux militaires, ils n’hésitent pas à entrer dans les maisons, à tabasser les jeunes et à aller jusque dans les hôpitaux comme à Bè-Kpota où le centre médico-social a été investi.
Le pouvoir ébranlé
Mais si le clan Eyadema a toujours réussi à conserver le pouvoir la situation pourrait changer. Du fait d’abord de l’onde de choc de la révolution au Burkina Faso. Dans ce pays la population a réussi à mettre fin au régime Compaoré qui sévissait depuis plus de trente ans et comme au Togo, Compaoré tentait de se maintenir au pouvoir à travers un référendum pour changer la Constitution. Sans parler d’un printemps africain, l’expérience burkinabé a démontré, à une large échelle, qu’une mobilisation populaire pouvait être victorieuse et déboucher sur l’instauration d’une démocratie.
Autre point favorable, c’est l’attitude du principal parti de l’opposition l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) qui mène une lutte sans merci contre le régime, ce qui n’était pas le cas avant avec l’ancien parti de l’opposition qui a rejoint le pouvoir.
L’ANC a réussi à fédérer de manière large l’essentiel de l’opposition, soit quatorze partis politiques dans un front commun, certes tout n’est pas rose, mais il y a une réelle volonté de faire front commun contre le régime. Même si parfois, certaines organisations ont des velléités de négocier avec le pouvoir.
Enfin troisième élément non négligeable, c’est l’apparition de Tikpi Atchadam et de son organisation le Parti National Panafricain (PNP). Victime d’une répression violente lors d’une manifestation pacifique organisée au mois d’août, il a su gagner l’opinion publique et conforter son fief à Sokodé dans le centre du pays. Son discours radical fait de lui un dirigeant apprécié de la jeunesse togolaise. L’union avec l’ANC donne de la crédibilité au projet d’alternance.
Mais la situation est loin d’être gagnée car Faure Gnassingbé peut compter en interne sur l’armée et à l’extérieur sur l’Union africaine, qui reste le club des dictateurs africains. Il peut compter aussi sur la mansuétude de l’Union européenne et le soutien de la France qui reste très présente dans le pays. Raison supplémentaire de participer aux initiatives de solidarité organisées par la diaspora togolaise.
Paul Martial