« Cachez ce racisme d’État que je ne saurais voir », semble être la formule qui résume au mieux l’enfumage qu’alimentent police et justice depuis mai 2018 autour de « l’affaire Mawda », du nom de cette fillette kurde de deux ans tuée par balle par la police lors d’une course-poursuite avec un camion transportant des migrantEs en mai 2018.
Après les annonces erratiques d’un juge d’instruction, les déclarations, contradictoires ou variant à de nombreuses reprises, des policiers et de leur hiérarchie, les mensonges et les insinuations cruelles (théorie de l’enfant bélier, projeté sur la chaussée, etc.) le temps était venu d’un procès qui allait soigneusement occulter les circonstances de la tragique course-poursuite en renvoyant dos à dos un policier porte-flingue, un présumé passeur et un présumé chauffard qui userait d’une camionnette où s’entassent trente migrants comme d’une « arme par destination », rien de moins.
« Tir accidentel par crispation »
À force de ne regarder que par le petit bout de la lorgnette du « tir accidentel par crispation » d’un policier mal formé et victime d’une mauvaise communication entre le dispatching et son véhicule d’intervention, on a habilement détourné l’attention de l’écrasante responsabilité de la politique migratoire : dissuasion, répression à tout va et verrouillage des frontières. Cette politique qui conduit les personnes migrantes à prendre toujours plus de risques, à emprunter des voies toujours plus dangereuses pour échapper aux tentacules du plan Medusa.
N’empêche, l’annonce fracassante de la régularisation définitive des parents de la petite Mawda, décidée depuis décembre 2020 mais rendue publique le jour où l’on attendait le prononcé d’un jugement qui allait statuer sur la culpabilité du policier qui avait tué leur fille, résonnait de manière particulièrement odieuse. Nous savions déjà que Sammy Mahdi, le nouveau secrétaire d’État à l’Asile et la migration, avait, dans un pathétique exercice de com’, résumé sa politique migratoire à la formule « humaine mais ferme ». La grossière manœuvre politique nous restera longtemps au travers de la gorge. Car Mahdi déclare user de son « pouvoir discrétionnaire » – entendez le fait du prince – pour leur accorder le droit de séjour permanent… tout en réaffirmant sa ferme opposition à la revendication d’une campagne de régularisation qui refait surface à l’heure des récentes occupations.
« Justice pour Mawda ! »
Nous étions donc ce vendredi matin une cinquantaine de militantEs à réclamer, dans le froid polaire qui régnait devant le Palais de justice de Mons, « justice pour Mawda ».
« Justice pour Mawda ! » : le slogan dérisoire braillé à tue-tête vient encore une fois ricocher sur le fronton d’un palais de justice de classe, de justice raciste, comme à chaque fois depuis novembre que se déroulent les séances de ce procès emblématiquement tronqué.
Car nous sommes bien convaincuEs que ceux qui devraient être traînés là, devant une véritable justice, ce sont les Francken, Jambon et consorts dont la politique criminelle a mené à cette terrible et inhumaine violence : l’assassinat d’une petite fille kurde de deux ans assise sur les genoux de ses parents pris dans le filet de l’opération Medusa.
Nous ne cesserons jamais de dénoncer et d’expliquer : c’est tout le contexte délétère de la pseudo « crise migratoire », déshumanisant et criminalisant les personnes migrantes qui a armé le bras de ce policier trop zélé !
Le matin du vendredi 12 février, à l’image de la figure symbolique de la Justice aux yeux bandés, la juge avait prévenu : « Le tribunal ne se prononcera que sur les faits dont il est saisi et non sur la politique menée par la Belgique en matière d’accueil des migrants ». Dont acte. Et ce vendredi, le policier nerveux de la gâchette et le chauffeur de la camionnette prise pour cible n’ont pas pesé du même poids dans l’emblématique balance : un an avec sursis pour le premier, quatre ans ferme pour le second…
Publié sur le site de la Gauche anticapitaliste (Belgique) : gaucheanticapitaliste.org