Dimanche 22 avril, nous étions donc rassurés : la France citoyenne s’est mobilisée en masse pour aller voter. Cerise sur le gâteau : on pouvait même profiter, comme souvent le dimanche, du Grand Prix de Formule 1, cette fois au Bahreïn.
Décidément tout roule. D’ailleurs, à croire les journalistes, il ne s’est rien passé d’autre. Des chars à tous les carrefours, dans ce petit coin de désert modernisé à coup de pétrodollars ? Pas vu. Des manifestants arrêtés en masse, des blessés, des morts ? Apparemment rien entendu. Des militants torturés, en grève de la faim depuis des semaines : on ne va décidément pas l’ouvrir pour si peu.
Ce Grand Prix était déjà tout un symbole : au milieu de nulle part, il n’a de sens que du strict point de vue du monde des affaires.
La règle est simple : à partir du moment où il y a des milliardaires pour le financer et de la pub à négocier pour les chaînes de télévision du monde entier, la décision est rationnelle. Si ça pouvait être rentable sur la planète Mars, ce serait pareil.
Entre valeur d’usage et valeur marchande, le grand écart est parfois gigantesque…
La population, elle, n’a cessé de crier sa colère. D’abord contre le roi, et son Premier ministre en place depuis 1971, contre la répression aussi qui se poursuit depuis un an, et maintenant contre cette « Formule du sang ». En 2011 à la même époque, l’Arabie saoudite envoyait son armée, faisant des dizaines de morts. Déjà, les mêmes responsables politiques du monde occidental, la France en tête, se taisaient.
Il est vrai qu’après la Tunisie et l’Égypte, le plus urgent pour les gouvernants était de reprendre les choses en main, militairement. Que ce soit en soutenant la dictature au Bahreïn, ou contre elle en Libye. L’essentiel étant de ne jamais être débordé par la population elle-même.
Le Grand Prix a donc eu lieu, mais la colère est partout. Les révolutions dans le monde arabe sont loin d’être terminées. Autant de raisons de manifester notre solidarité.
Jean François Cabral