La tenue du Grand Prix de F1 a permis que les regards se tournent vers la situation au Barheïn, mais la course passée, la répression continue. L’élite et une partie du public occidental se sont bien amusés – maintenant, on repasse à l’ordre du jour. Un ordre du jour qui comporte : répression, mauvais traitements d’opposants et procès iniques. Ainsi pourrait-on caractériser, en quelques mois, la situation du royaume de Bahreïn après le Grand prix de Formule 1. La course de voitures à participation internationale (remportée d’ailleurs par un Allemand, Sebastien Vettel), dont la tenue au Bahreïn résulte d’un hobby cultivé par des membres de la famille royale, a eu lieu le dimanche 22 avril dans ce pays du Golfe. Malgré les appels au boycott, malgré les vives protestations d’une opposition qui s’insurgeait contre le fait que la monarchie jouait à la « normalisation » vis-à-vis des opinions publiques occidentales… alors que la répression politique continue de frapper durement. RepréssionCelle-ci n’a jamais faibli depuis l’écrasement violent de la révolte de masse, qui avait commencé le 14 février 2011, en plein milieu du Printemps arabe. Un mois plus tard, dans les jours qui suivaient l’entrée de troupes du puissant voisin – l’Arabie saoudite – pour épauler les forces de répression du régime monarchique, le mouvement de masse a été réprimé dans le sang. La désormais célèbre place de la Perle de la capitale Manama a été évacuée. Depuis, les affrontements avec la police – parfois quotidiens, comment pendant les premiers mois de cette année 2012, dans les banlieues de Manama et les villages alentour habités par cette majorité chiite discriminée par la monarchie et l’élite sunnites – n’ont jamais cessé. Tout comme les procès et les protestations contre une justice « expéditive ». Le représentant emblématique de cette lutte pour la défense de la dignité et contre le non-respect des droits les plus élémentaires des opposants est devenu Abdelhadi Al-Khawaja. Ce prisonnier politique, condamné à perpétuité à la suite des manifestations de 2011, a entamé le 8 février dernier une grève de la faim qu’il poursuit depuis plus de deux mois. À la mi-avril 2012, le gouvernement du Danemark s’est d’ailleurs publiquement inquiété auprès des autorités bahreïniennes, sur le risque de voir ce gréviste de la faim mourir. Jusqu’ici, les autorités françaises ne lui ont pas emboîté le pas. Nouveau procèsLundi 30 avril, la Cour de cassation a ordonné l’ouverture d’un nouveau procès dans l’affaire de plusieurs opposants politiques, dont Abdelhadi al-Khawaja lui-même. Ces opposants font partie d’un groupe de 21 personnes, dont sept avaient été jugées par contumace. Sept ont été condamnées à la perpétuité et les autres à des peines allant de deux à quinze ans de prison, pour avoir « formé un groupe terroriste visant à changer la Constitution et le régime monarchique ». Les avocats de la défense de ces opposants politiques se sont montrés sceptiques quant aux chances de voir les condamnations levées ou substantiellement allégées, en appel. En ce début de semaine, les autorités de ce pays du Golfe ont semblé ressentir le besoin de lâcher un peu de lest, après le bruit médiatique qu’avaient causé – jusque dans les métropoles occidentales – les protestations à l’occasion de la course. Les protestations avaient commencé plusieurs semaines auparavant, des milliers de personnes ayant déjà manifesté le 23 mars.
Dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 avril, lors de manifestations contre l’ouverture de la course de Formule 1, un manifestant âgé de 36 ans a été tué. S’ensuivaient des affrontements nocturnes entre habitants des villages à majorité chiite autour de Manama et les forces de l’ordre. Alors que le regard des Occidentaux avait commencé à se tourner vers le Bahreïn en raison de la course, le roi Hamad bin Issa al-Khalifa – qui allait personnellement assister à l’événement – a déclaré « son engagement de conduire personnellement les réformes et la réconciliation dans [son] pays ». Auparavant, des médias étrangers présents au Bahreïn ont été empêchés de couvrir les manifestations, un reporter britannique de la télévision Channel 4 étant même détenu pendant plus de six heures pour avoir tenté de les suivre.
Rien n’est réglé au Bahreïn. La solidarité est plus que jamais nécessaire, même en l’absence d’un événement permettant de tourner les regards du monde vers ce pays.
Bertold du Ryon