Publié le Mercredi 28 mars 2012 à 08h29.

Bahreïn, l’urgence de la solidarité

Certains la croyaient morte, étouffée par une répression féroce. Pourtant l’insurrection au Bahreïn renaît de plus belle, chaque jour ou presque, dans la foulée du grand mouvement déclenché le 14 février 2011. Un mois plus tard, le 14 mars, des troupes du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – notamment saoudiennes – étaient intervenues. La foule des protestataires, rassemblée sur la fameuse place de la Perle où des tentes ont été érigées pendant des semaines, fut dispersée. Le célèbre monument de la place a été détruit le 18 mars afin de casser tous les symboles de la contestation.

Pourtant le pouvoir n’est pas parvenu à l’écraser. Malgré des procès à la chaîne contre des manifestantEs, blogueurEs, étudiantEs et des médecins et personnels médicaux ayant commis le « crime » de soigner des protestataires blesséEs.

Des dizaines de milliers d’habitantEs de ce pays d’une population globale de 1,2 million ont manifesté le 9 mars dernier, dans les environs de Manama. Un photographe Reuters estimait, sur place, que « les participants sont probablement plus de 100 000, ce qui correspondrait à environ un dixième de la population totale ». C’est surtout dans les banlieues et quartiers chiites de Manama que le mouvement de contestation est ultra-majoritaire. Les chiites forment environ 70 % de la population, mais sont systématiquement désavantagés et discriminés, notamment dans l’accès à l’emploi et à tous les postes de responsabilité. La monarchie des Al-Khalifa privilégie systématiquement la minorité sunnite ou les habitantEs des pays voisins sunnites. Elle accuse le régime iranien de fomenter les protestations, alors que la force d’attraction de ce dernier sur les chiites locaux est extrêmement réduite. En réalité, il s’agit d’un mouvement social et démocratique, bien plus que confessionnel, soutenu par des forces politiques progressistes parmi les sunnites.

Le 10 mars, des heurts massifs ont eu lieu entre des manifestantEs et la police qui utilisait des gaz lacrymogènes. Ils faisaient suite au décès et aux funérailles de Fadhel Mirza, âgé de 22 ans, qui venait de succomber aux blessures que les forces de l’ordre lui avaient infligées le 1er mars.

Le 13 mars, d’autres affrontements importants ont éclaté dans les banlieues de Manama. Puis le 15, lors du premier anniversaire de l’évacuation de la place de la Perle, de nouvelles manifestations et des heurts se sont produits à Sitra, Diraz, Malkiya, Saar, Jidhafs, Tubli et Bilad al-Qadeem. Le 18, les obsèques d’un habitant mort après avoir inhalé du gaz toxique utilisé par la police – Jaafar Jassem Ridha, âgé de 41 ans – ont donné lieu à d’autres heurts, à al-Muqsha, au nord de la capitale.

La censure d’Internet s’est récemment renforcée. L’association Reporters sans frontières a fait passer, dans son rapport sur les censeurs du Net publié le 12 mars dernier, le Bahreïn de la catégorie « pays sous surveillance » à celui d’« ennemi d’Internet ». Les procès continuent, eux aussi. Le 5 mars, six étudiants ont ainsi été condamnés à quinze ans d’emprisonnement. Leur « crime » : avoir résisté à une attaque de nervis prorégime armés sur le campus universitaire le 13 mars 2011.

La résistance ne cesse pas : le 8 février dernier, Abdulhadi Alkhawaja, militant des droits de l’homme, condamné à l’emprisonnement à perpétuité avec six autres militants par un tribunal militaire, a commencé une grève de la faim qui le plonge aujourd’hui dans un état critique. Il y a urgence à nous solidariser avec l’insurrection au Bahreïn.

Bertold du Ryon