Ce que l’on a vécu dimanche 9 novembre est historique : le premier vrai bras de fer entre deux légitimités, même si le président de la généralité de Catalogne Artur Mas n’avait pas osé maintenir le référendum interdit par la Cour constitutionnelle.
Entre le droit à décider des Catalans et le PP qui navigue entre discours catastrophistes et menaces, les résultats de la consultation sont sans appel : victoire importante pour Mas et sacré coup symbolique contre Rajoy, qui maintenant veut se venger au tribunal : l’establisment de Madrid n’a aucune initiative politique à proposer.Par ailleurs, la participation a été très élevée malgré les menaces (même plus que pour des référendums légaux). Mais il n’est pas évident qu’il existe une majorité claire pour le « double oui » (c’est-à-dire les partisans d’un État indépendant). Le mouvement indépendantiste reste dirigé par une classe moyenne exaspérée par la crise et, à la différence de l’Écosse, n’a pas le soutien actif des travailleurs. Aujourd’hui, Mas a gagné un peu de temps, mais il risque d’échouer dans son projet de candidature unitaire du « double oui » afin de ne pas perdre les prochaines élections. Si la chute dans les sondages des partis du système est vertigineuse dans l’ensemble de l’Espagne, en Catalogne cela va encore plus vite : la « pasokisation » des socialistes et la chute du PP est accélérée, mais le déclin du nationalisme bourgeois du CiU (que dirige Mas) semble aussi irréversible, bien que plus lente grâce à l’expérience de sa direction et à la faiblesse de son opposition.
Nationalisme et anticapitalismeLa pression allant dans le sens d’une union « patriotique » favorable à l’indépendance qui efface tous les enjeux sociaux derrière le drapeau catalan est importante. De fait, il y a un mouvement de masse très fort capable de mettre la pression, voire de déborder, l’agenda des partis institutionnels. C’est cela, et l’usure due aux politiques d’austérité, qui explique le tournant opportuniste de CiU vers « l’indépendantisme » il y a deux ans.La tâche des anticapitalistes est de porter une candidature nationale crédible, capable de lier des enjeux sociaux et démocratiques. Pour cela, nous travaillons au sein du Processus constituant, un rassemblement sociopolitique large et structuré, et dans Podem, le Podemos catalan, pour construire une alliance permettant de devenir la troisième force politique et contrer la montée en puissance d’une ERC (la « gauche » catalane) complice des politiques d’austérité.Les mois qui viennent vont être capitaux pour la reconstruction d’une vraie gauche en Catalogne et dans l’ensemble de l’État espagnol. Si nous réussissons, nous pourrons disputer à la fois l’hégémonie à la « gauche » du système (PS, ICV) et, à terme, la direction du mouvement national catalan à la bourgeoisie de CiU et à la petite-bourgeoisie d’ERC. Si nous échouons, il nous faudra certainement choisir : une percée électorale à gauche mais sans majorité, vraisemblablement avec Podem qui manque de cadres et de structures de direction en Catalogne, ou être la minorité de gauche d’un bloc indépendantiste interclassiste sans possibilité de s’implanter dans la classe ouvrière...
De Barcelone, Andreu Coll (Izquierda anticapitalista)