Samedi 20 janvier, Erdogan a lancé une offensive contre le canton d’Afrin, au nord de la Syrie. Les bombardements intensifs de ce week-end ont déjà causé onze morts et des dizaines de blessés civils. Ce petit territoire, frontalier avec la Turquie, l’un des trois cantons de la Fédération démocratique du nord de la Syrie (Rojava), peuplé en majorité de Kurdes, abrite des centaines de milliers de réfugiéEs : des Yezidis qui avaient fui les massacres de l’EI en 2014, et de nombreux SyrienEs de la région d’Idleb, tombée sous le joug des brigades djihadistes de Tahrir al-Cham.
Pourquoi Erdogan a-t-il décidé d’agir maintenant ? À la fin du mois se tiendra à Sotchi un nouveau round de négociations sur l’avenir de la Syrie sous l’égide de Poutine. Les Russes, qui « contrôlent » la région d’Afrin, ont décidé de laisser faire, les USA se dédouanent en arguant de la responsabilité des Russes, et Bachar al-Assad, qui avait déclaré qu’une incursion dans son espace aérien et/ou une invasion terrestre entraînerait une riposte très ferme, ne lève pas le petit doigt.
Comme l’a relevé le journaliste Azat Kurkut, entre les deux dictateurs c’est donnant-donnant : feu vert de Assad à Erdogan pour s’emparer d’Afrin et noyer dans le sang la révolution du Rojava, leur ennemi stratégique commun ; feu vert d’Erdogan à Assad pour s’emparer d’Idlib, y détruire tout ce qui reste de l’opposition démocratique syrienne, et poursuivre ses raids criminels contre la Ghouta.
Les combattantEs YPG/YPJ et les FDS se retrouvent donc seuls pour empêcher un massacre programmé, comme à Kobané en 2014. Le but d’Erdogan est d’empêcher la jonction du canton d’Afrin avec les deux autres cantons du Rojava, mais aussi d’établir une occupation turque dans la région, aidé par ses alliés djihadistes de l’opposition syrienne. Car Erdogan ne s’arrêtera pas là : il a annoncé qu’il poursuivrait son offensive contre Manbij, libérée de Daesh par les FDS en mai 2016.
Le gouvernement français appelle Erdogan à la « modération » et a demandé une réunion du conseil de sécurité de l’ONU. Quelle crédibilité a-t-il quand il vient de recevoir avec les honneurs le président turc, qui clamait haut et fort ses intentions ? Comme pendant la bataille de Kobané, seule la solidarité et la mobilisation internationales pourront faire changer le rapport de forces. Nous devons exiger des sanctions immédiates, politiques et économiques, contre le dictateur turc et son gouvernement, jusqu’à l’arrêt de leur agression.
Mireille Court