Publié le Vendredi 12 février 2010 à 10h24.

Dresde antifasciste....

Pour empêcher les néonazis de parader à Dresde, le jour anniversaire du bombardement de cette ville, des organisations antifascistes préparent une contre-manifestation. Le 13 février, comme tous les ans, les néo­nazis vont se rassembler afin de commémorer le bombardement allié sur Dresde, en 1945. Ce bombardement, qui a rasé la ville et provoqué au moins plusieurs dizaines de milliers de morts, est utilisé aujourd’hui par l’extrême droite pour relativiser l’extermination des juifs d’Europe et inverser la problématique bourreau-victime. Comme si se découvrir victime effaçait le fait qu’on puisse avoir été aussi bourreau. Nombreux sont celles et ceux qui voudraient pouvoir réinscrire l’Allemagne comme une nation normale où chacun pourrait être à nouveau fier d’être Allemand, réactivant par là même un nationalisme sous couvert de normalité.

Or, ce que rappelle justement la gauche radicale allemande, c’est qu’il n’est pas question de culpabilité mais de poser politiquement la question des éléments culturels pouvant potentiellement amener à ce que l’horreur se répète. Et, justement, à l’occasion de cette commémoration, des éléments inquiétants se mettent en place. Premièrement, le fait que des milliers de néonazis se rassemblent et puissent défiler publiquement. En plus du symbole politique affirmant la force et la dynamique de ce mouvement, ce sera concrètement dangereux pour tous les non blancs qui seront en ville ce jour-là, ainsi que pour toutes les personnes adoptant un code vestimentaire « de gauche ». Selon la police, près de 1 042 actes de violences ont été perpétrées en 2009 par l’extrême droite, soit pas loin de trois par jour, et il ne s’agit que des violences déclarées et reconnues comme telles. Deuxièmement, la réaction des autorités allemandes laisse à désirer.

Face à la perspective de voir leur centre-ville se transformer en aire de jeux pour fascistes, une coalition Dresden Nazifrei (« Dresde, ville sans nazis »), s’est formée afin d’appeler à une grande contre-manifestation dans le but de bloquer celle des nazis. Des associations, des groupes antifascistes et politiques, des syndicats, des partis (Die Linke, les Verts, etc.) en font partie. Mais, à leur grande surprise, ce sont eux qui se retrouvent dans le collimateur de la justice. On leur reproche d’appeler publiquement à bloquer une manifestation autorisée, de compromettre la démocratie et d’appeler à des violences. Des perquisitions ont eu lieu, le 19 janvier, dans les bureaux de Die Linke à Dresde et dans un local d’information berlinois « Red-stuff-Shop ».

Cette tentative d’intimidation s’inscrit dans le cadre d’une tendance inquiétante de l’appareil d’État allemand qui agite le spectre des figures terroristes de gauche, fabriquées avec les fantômes de la Fraction armée rouge (RAF) et les logiques sécuritaires à la mode. Des rapports officiels sur une nouvelle menace de gauche et des articles de presse sur les « dangereux gauchistes » se multiplient. Politiquement, cela a pour effet de renvoyer dos à dos la gauche radicale et les néo­nazis, offrant au gouvernement, l’image rassurante d’un pouvoir bourgeois modéré à même de protéger les citoyens.

À court terme cependant, les effets de cette répression sont positifs : la mobilisation pour Dresde s’est renforcée et les néonazis n’auront plus le droit de défiler et seront cantonnés à un rassemblement. Ils ont fait appel de cette décision. No Pasarán ! Rendez-vous à Dresde le 13 février 2010. Lise DunckerPour plus d’infos: http://www.dresden-nazifrei.com/