Publié le Vendredi 20 avril 2012 à 15h51.

Élections US : Obama le centriste face à la droite extrême

La campagne pour la présidentielle a également commencé outre-Atlantique. Elle oppose Obama, qui a enterré une grande partie des réformes qu’il avait promises, et Mitt Romney, représentant du big business. Face à eux, le mouvement Occupy Wall Street n’apparaît pas aux yeux de la majorité comme une alternative.C’est peu dire que Barack Obama a déçu ses partisans dans les milieux populaires et parmi les minorités discriminées. Le camp de concentration de Guantànamo n’a pas été fermé, les troupes US continuent de semer la mort en Afghanistan. Rien ou presque n’a été fait pour réguler les banques et les marchés financiers ni pour empêcher les expulsions de leur logement de millions d’Américains frappés par la crise des subprimes puis par les licenciements. Quant à la grande réforme promise, celle qui devait créer une assurance maladie pour tous (dans un pays où 30 millions de personnes n’ont aucune couverture de ce type alors que la santé y est la plus chère au monde), elle s’est réduite à la peau de chagrin d’un système d’assurance privée obligatoire, à contracter auprès des compagnies qui s’enrichissent dans ce secteur ; et même cette mesure si peu audacieuse reste menacée par un jugement de la Cour suprême, à majorité républicaine. Tout cela, tandis que la pauvreté, la misère et les inégalités ne cessent d’augmenter.Obama favoriPourtant, à sept mois de l’élection présidentielle, Obama a repris nettement la tête des intentions de vote. Ce paradoxe s’explique par la nature de l’opposition à laquelle il fait face, celle d’un Parti républicain qui prend de plus en plus les traits d’une formation de droite extrême, nationaliste et isolationniste, alliance d’affairistes de l’industrie et de la finance et de petits blancs racistes des États les plus pauvres. Les primaires républicaines ont été de ce point de vue le théâtre d’une escalade étonnante. Le très procapitaliste et impérialiste, libéral à peine social, président en exercice s’est vu affublé de tous les noms d’oiseau, qualifié de « non-Américain » et même – injure suprême – de « socialiste ». Après le retrait de l’intégriste catholique d’extrême droite, Rick Santorum, la voie est désormais libre pour le favori, Mitt Romney. Selon The Economist (14 avril 2012), la revue des milieux de la finance globalisée, Romney serait « d’instinct un modéré, mais les primaires l’ont tiré très à droite » et il « sait que pour rassembler une base conservatrice qui ne l’aime pas, il doit mobiliser sa haine de M. Obama. »Romney l’ultra richeMais c’est aussi pain bénit pour ce dernier, qui peut s’appuyer sur une telle opposition afin de tenter de faire oublier ou passer au second plan la réalité de sa politique, à 100 % favorable au big business. C’est ainsi qu’Obama a réagi vigoureusement à l’assassinat du jeune Trayvon Martin par un raciste blanc autoproclamé vigile, que la police et les tribunaux avaient, dans un premier temps, absout. De même, il oriente aujourd’hui le débat vers la fiscalité, devenue au fil des ans (y compris sous son propre gouvernement) scandaleusement favorable aux grandes entreprises et aux grandes fortunes. À coups de niches et d’exonérations, celles-ci acquittent un impôt fédéral compris entre 9 et 15 %, alors que les salaires dits moyens peuvent être imposés jusqu’à 30 %. Avantage supplémentaire pour le président sortant, Mitt Romney est justement un de ces ultra riches, membre de la minorité des 1 % que dénonce le mouvement Occupy Wall Street. Ayant fait fortune à la tête d’un fonds d’investissement, Romney dispose aujourd’hui d’un matelas de 250 millions de dollars et ne paie que 13,9 % de son revenu en impôt fédéral. Ladite « règle Buffet » (du nom d’un autre milliardaire, Warren Buffet) selon laquelle un patron ne devrait pas payer moins d’impôts que… sa secrétaire, dévoile certes une réalité scandaleuse. Mais c’est aussi devenu un argument électoral fort opportun.Occupy Wall Street et les 99 %Dans notre revue mensuelle d’avril (Tout est à nous ! La Revue n° 31) figure un article de nos camarades, anticapitalistes étatsuniens, de l’organisation Solidarity. Leur contribution est titrée « Qui parlera pour les 99 % ? » C’est là tout le problème. Le grand mouvement de révolte et de contestation Occupy Wall Street n’a pas débouché à ce stade, ou n’a pas encore pu favoriser l’émergence d’une alternative, même embryonnaire, aux deux partis traditionnels, démocrate et républicain, de la bourgeoisie et de l’impérialisme US. Ce qui offre à Obama une marge de manœuvre pour tenter de le récupérer, au moins en partie, en vue de sa réélection. Construire un parti de classe, une expression politique indépendante reste pour les travailleurs étatsuniens la première tâche à accomplir.

Jean-Philippe Divès