Deux fusillades déchirantes survenues ce mois-ci ont mis en évidence l’état de la société étatsunienne : une culture caractérisée par la désintégration de la solidarité, l’augmentation de la violence et l’incapacité politique à résoudre les problèmes du pays.
La peur et la haine, la crainte de l’insécurité et des agressions, le ressentiment qui se transforme en vengeance contre l’autre, sont ancrées dans ces évènements violents et sont évidentes dans leur contexte.
« Loi du château »
Le premier incident s’est produit le jeudi 13 avril dans une banlieue tranquille de Kansas City, dans le Missouri, lorsque Ralph Paul Yarl, un garçon de seize ans, est allé chercher son jeune frère et s’est accidentellement trompé de maison. Yarl a attendu un moment devant la porte. C’est alors qu’Andrew Lester, un mécanicien aéronautique à la retraite de 85 ans, s’est présenté à la porte et a tiré une balle dans la tête de Yarl. Le garçon, blessé et en sang, s’est présenté dans trois maisons où il a été refoulé avant qu’une femme n’appelle des secours et ne lui vienne en aide.
La police n’a pas immédiatement arrêté Lester, qui s’est rendu à la police et a été libéré moyennant une caution de 200 000 dollars. Il a été inculpé d’agression au premier degré et d’action criminelle armée, deux délits graves. Lester a déclaré par la suite qu’il craignait que le garçon ne s’introduise dans sa maison, bien que la police ait déclaré qu’il y avait une « composante raciale » dans la fusillade. Lester a plaidé non coupable et peut invoquer la loi « stand your ground » du Missouri, qui permet de se défendre, ou la « loi du château » (fondée sur le vieux dicton selon lequel « la maison d’un homme est son château »), qui permet d’utiliser des armes pour arrêter des intrus afin de se défendre — bien que Ralph n’ait jamais menacé Lester et n’ait jamais franchi le seuil de sa maison. Heureusement, les médecins estiment que Ralph se rétablira complètement.
« Aucune raison qu’il se sente menacé »
La deuxième fusillade a eu lieu le 15 avril à Hebron, dans l’État de New York, à 330 kilomètres au nord de la ville de New York et à 100 kilomètres au nord d’Albany, la capitale de l’État. Il s’agit d’une petite ville rurale tranquille qui ne compte que 1 800 habitantEs. Là, un groupe de jeunes gens conduisant deux voitures cherchait la maison d’un ami lorsqu’ils se sont engagés dans l’allée de la mauvaise maison. Se rendant compte de leur erreur, ils ont fait demi-tour et s’apprêtaient à repartir lorsque le propriétaire de la maison, Kevin Monahan, âgé de 65 ans et propriétaire d’une petite entreprise, est sorti de son porche et a tiré deux coups de feu, dont l’un a tué Kaylin Gillis, une jeune femme de 20 ans, étudiante, pom-pom girl de compétition et artiste en herbe.
Le shérif Jeffrey J. Murphy, qui connaît la famille Gillis, a déclaré : « Il n’y avait aucune raison pour que M. Monahan se sente menacé, d’autant plus qu’il semble que le véhicule était en train de partir ».
Aucun des deux hommes n’avait à craindre quoi que ce soit. Mais une étude réalisée en 2019 par la revue Nature a révélé que « la plupart des recherches comparant les propriétaires d’armes à feu aux non-propriétaires suggèrent que la possession d’une arme s’ancre dans un sentiment de peur. »
Justice pour Ralph, pour Kaylin et les autres
Nombreux sont ceux qui disent posséder une arme à feu pour se défendre, mais les personnes les plus susceptibles de posséder une arme à feu sont parmi les moins susceptibles d’être victimes d’une agression. Ces deux hommes blancs âgés, vivant dans la peur, et au moins dans le cas de Monahan remplis de haine par la propagande conservatrice, n’avaient rien à craindre de ces deux jeunes gens, et pourtant ils ont tiré sur le jeune homme noir et la jeune femme blanche.
Nous ne connaissons pas les opinions politiques de ces hommes, mais Monahan, propriétaire d’une petite entreprise, et Lester, travailleur hautement qualifié, tous deux blancs, sont typiques de la base électorale de Donald Trump. Et des jeunes comme Yarl et Gillis, bien que nous ne connaissions pas leurs opinions politiques, sont comme une grande partie de la base électorale des Démocrates progressistes. Les tirs résonnent comme une sorte de dramatisation de la maladie nationale de la peur et de la haine attisée par la droite.
Après la première fusillade, 1 500 des 1 800 camarades de classe de Ralph au lycée Staley, noirs et blancs, se sont joints à ce qu’ils ont appelé une « marche de l’unité », portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Justice pour Ralph ». Oui, justice pour Ralph. Et pour Kaylin, et oui au contrôle des armes à feu. Il faut aussi stopper les médias et la droite qui attisent la peur et la haine.
Traduction HW