Publié le Vendredi 7 juillet 2023 à 08h00.

États-Unis : la Cour suprême met fin à la discrimination positive dans l’éducation

Avec ses trois dernières décisions — sur l’abandon de la discrimination positive, la limitation des droits des homosexuelEs et l’arrêt de l’allègement de la dette des étudiantEs — la Cour suprême mène une contre-révolution contre les avancées obtenues par les mouvements sociaux des années 1960 et 1970.

La Cour suprême des États-Unis, par un vote à six voix contre trois basé sur des affaires concernant Harvard et l’université de Caroline du Nord, a invalidé la discrimination positive dans l’enseignement supérieur, un principe qui a influencé les admissions dans les universités depuis des dizaines d’années. Cette décision, célébrée par les Républicains et dénoncée par les Démocrates, revient sur l’une des principales réalisations du mouvement des droits civiques des années 1950 et 1960. Cette décision pourrait également être utilisée pour les règles de recrutement des entreprises.

Décisions en chaîne

La Cour suprême a également rendu, par six voix contre trois, une autre décision qui réduit les droits des LGBTI, arguant que le droit à agir selon ses convictions religieuses primait sur les droits des gays et des lesbiennes. Une affaire portée par une conceptrice de sites web, chrétienne et conservatrice, a remis en cause une loi du Colorado sur l’accueil du public, qui oblige les entreprises à traiter tout le monde de la même manière. La Cour a décidé que la plaignante pouvait refuser de concevoir des sites web pour des couples de même sexe, arguant que le fait de l’obliger à exprimer des opinions avec lesquelles elle n’était pas d’accord violait son droit à la liberté d’expression garanti par le premier amendement à la Constitution des États-Unis. Il est à craindre que cette décision ne soit étendue à de nombreuses autres activités et n’affecte pas seulement les homosexuelEs, mais peut-être aussi d’autres personnes sur la base de la « race ».

Enfin, la Cour suprême a annulé le projet du président Joe Biden d’annuler ou de réduire quelque 400 milliards de dollars de dettes étudiantes (aux États-Unis de nombreux étudiantEs sont forcés de s’endetter pour payer leurs études), estimant qu’il n’avait pas l’autorité nécessaire pour le faire et que seul le Congrès pouvait prendre une telle mesure. Cette décision concerne des dizaines de millions d’ÉtatsunienEs qui ont emprunté de l’argent au gouvernement fédéral pour étudier (elle ne concerne pas les dettes contractées auprès des banques). Ce sont les travailleurEs et les pauvres, parmi lesquels de nombreux Noirs et Latinos, qui seront les plus touchéEs. Joe Biden a rappelé que, pendant la pandémie de covid, son « Paycheck Protection Program » avait distribué des milliards de dollars aux entreprises et que certains membres du Congrès propriétaires d’entreprises avaient reçu à ce titre plus d’un million de dollars. Il a souligné que c’est parce que le Congrès refusait maintenant d’accorder une aide similaire aux étudiantEs, qu’il avait utilisé son pouvoir exécutif.

Une véritable contre-révolution

Ces trois décisions de la Cour suprême font suite à l’arrêt rendu en juin 2022, qui avait renversé l’arrêt Roe v. Wade et mis fin à la protection fédérale du droit à l’avortement. Cette décision a permis à des corps législatifs à majorité républicaine d’interdire ou de restreindre considérablement l’avortement dans une trentaine d’États.

Avec ces quatre décisions annulant des droits des femmes, des personnes racisées, des personnes LGBTQ et de millions d’ancienEs étudiantEs, combinées à des attaques similaires contre ces groupes par les législatures des États, nous vivons une véritable contre-révolution, remettant en cause les conquêtes progressistes de la seconde moitié du 20e siècle.

En parlant des trois décisions récentes, le président Biden a qualifié la Cour suprême de « pas normale », de « cour dévoyée ». Comme il l’a déclaré lors d’une interview télévisée, « elle n’est pas en phase avec le système de valeurs fondamentales du peuple américain. La grande majorité des Américains n’est pas d’accord avec les décisions prises par cette Cour ». En effet, quelque 61 % des ÉtatsunienEs soutiennent le droit à l’avortement ; 60 % se sont opposés à l’annulation de la discrimination positive ; 71 % des ÉtatsunienEs croient au droit au mariage homosexuel ; 47 % soutenaient le plan d’allégement de la dette étudiante (83 % parmi ceux qui ont de telles dettes). Aujourd’hui, seuls 31 % des ÉtatsunienEs ont une opinion positive de la Cour suprême.

Les Républicains attaquent les femmes, les Noirs, les LGBTQ et les jeunes, ce qui les empêche de gagner des voix auprès de ces groupes. Les démocrates ont clairement indiqué que Joe Biden et son parti feraient campagne sur ces questions lors des élections présidentielles et législatives de novembre 2024. Aujourd’hui, les Républicains peuvent revendiquer une victoire judiciaire, mais ces décisions contribueront certainement à leur rejet par la majorité des électeurEs, comme lors de toutes les élections depuis 2014 (en nombre de voix, les Républicains sont depuis cette date minoritaires aux élections présidentielles). Mais il ne faut pas oublier qu’en définitive le président est élu par un collège électoral qui ne reflète pas forcément la majorité des électeurEs.

Traduction HW