Publié le Jeudi 13 avril 2023 à 11h00.

États-Unis : les batailles politiques se déroulent aussi au niveau local

La gauche gagne à Chicago et dans le Wisconsin mais les Républicains expulsent deux élus noirs dans le Tennessee

La gauche étatsunienne a remporté deux batailles importantes au début du mois : le progressiste Brandon Johnson a gagné la course à la mairie de Chicago et Janet Protasiewicz a été élue à la Cour suprême du Wisconsin. Il s’agit de succès pour les travailleurEs et les syndicats, pour l’éducation publique et les Noirs, pour les femmes et le droit à l’avortement.

Victoire progressiste à Chicago

Avec la polarisation politique entre la gauche et la droite, les batailles politiques sur les questions nationales les plus importantes — l’avortement, le contrôle des armes à feu, les questions raciales et la démocratie — se déroulent aussi au niveau local. Démocrates et progressistes remportent de nombreuses victoires, mais l’équilibre des forces ne sera pas clair avant les élections présidentielle et législatives de 2024.

À Chicago, deux candidats démocrates s’opposaient. Brandon Johnson, candidat noir à la mairie et ancien organisateur du syndicat des enseignantEs, a réclamé davantage de services sociaux pour réduire la criminalité. Il a battu Paul Vallas, candidat blanc favorable à la privatisation des écoles et à l’augmentation du nombre de policiers dans les rues de Chicago. Johnson était soutenu par le syndicat des enseignantEs et d’autres syndicats d’employéEs du secteur public, ainsi que par le sénateur Bernie Sanders, tandis que Vallas a été soutenu par le syndicat de la police et les syndicats conservateurs des ouvriers du bâtiment. Brandon a réuni une alliance de progressistes blancs, de militants syndicaux et de communautés noires pour remporter une victoire en faveur de l’éducation publique et des personnes racisées de la ville, qui constituent la majorité de la population.

La bataille de l’avortement

Dans le Wisconsin, Janet Protasiewicz, partisane du droit à l’avortement, a été élue à la Cour suprême de l’État en battant Daniel Kelly, un militant anti-avortement. Depuis que la majorité conservatrice de la Cour suprême des États-Unis a mis fin aux protections nationales du droit à l’avortement en 2022, les luttes au niveau des États sur la question de l’avortement sont devenues un nouveau champ de bataille. Les deux camps ont dépensé au total 40 millions de dollars pour l’élection, ce qui en fait l’élection judiciaire la plus coûteuse de l’histoire du pays. La victoire de Janet Protasiewicz a assuré une majorité pro-avortement à la Cour suprême du Wisconsin, qui abolira probablement une loi de 1849 interdisant l’avortement.

Le caractère central de la lutte pour l’avortement au niveau des États est également illustré par deux décisions judiciaires contradictoires concernant la pilule abortive mifépristone, un médicament approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) il y a 23 ans et utilisé par des millions de femmes depuis lors. Au Texas, un juge de droite, Matthew J. Kacsmaryk, militant anti-avortement et antigay, a annulé l’approbation de la FDA et décidé que la mifépristone ne pouvait plus être utilisée dans aucun État. Quelques heures plus tard, un autre juge fédéral, Thomas Rice, de l’État de Washington, a annulé cette décision et déclaré que l’autorisation de la FDA restait valable. Les deux juges s’étant contredits, la décision va maintenant être portée devant la Cour suprême des États-Unis et sa majorité anti-avortement.

Deux élus noirs expulsés

Dans le Tennessee, où un tireur a récemment tué trois enfants et trois adultes dans une école chrétienne, le corps législatif de l’État a refusé de prendre des mesures pour restreindre les armes à feu. Trois élus démocrates ont donc organisé une manifestation contre leurs collègues pour leur incapacité à réglementer les armes à feu et à protéger la vie des enfants, perturbant brièvement l’assemblée législative alors que des centaines de parents et d’enfants protestaient à l’extérieur. La majorité républicaine a réagi en expulsant deux de ces représentants, Justin Jones et Justin J. Pearson, deux jeunes hommes noirs, mais pas Gloria Johnson, qui est blanche. Elle a déclaré que ses collègues avaient refusé de l’expulser, « peut-être à cause de la couleur de [sa] peau ». Peu d’expulsions de ce type avaient eu lieu depuis l’époque où, juste après la guerre de Sécession, six élus ont été expulsés. En 1980, un législateur a été exclu pour avoir accepté un pot-de-vin et un autre en 2016 pour des allégations ­d’inconduite sexuelle.

Le président Biden a qualifié ces expulsions de « choquantes » et « antidémocratiques », et la vice-présidente Kamala Harris s’est rendue à Nashville pour rencontrer les législateurs démocrates. Jones et Pearson sont originaires de Nashville et de Memphis, les deux plus grandes villes de l’État qui comptent une importante population noire. Les commissaires du comté, qui ont le pouvoir de les remplacer, peuvent cependant simplement les ­reconduire dans leurs fonctions.

Traduction HW