Publié le Dimanche 2 octobre 2022 à 19h00.

États-Unis : les gouverneurs républicains utilisent les migrantEs comme des pions dans leur jeu politique

Quand certains gouverneurs organisent des « coups d’éclat » anti-migrantEs dans le seul objectif de leur réélection.

Le 14 septembre, 48 migrantEs vénézuéliens qui étaient venus aux États-Unis pour demander l’asile et avaient été légalement admis dans le pays au Texas ont été attirés par un agent du gouverneur de Floride, Ron DeSantis, pour accepter une offre de vol vers Boston, Massachusetts, où ils recevraient des papiers de travail en procédure accélérée, de la nourriture et des vêtements, une aide financière et d’autres avantages. Les avions se sont en fait envolés vers Martha’s Vineyard, un lieu de vacances pour les personnes très aisées de la côte Est. DeSantis n’avait pas informé les autorités locales, personne n’était là pour accueillir les migrantEs, et toutes les promesses qui leur avaient été faites étaient des mensonges. Les médias ont montré les migrantEs déçus et désorientés, hommes, femmes et enfants, tandis que les autorités, les ONG et la population locale s’efforçaient de leur fournir un logement, de la nourriture et une assistance.

10 000 migrantEs transportés vers Chicago, New York et Washington

M. DeSantis a défendu son action, attaquant le président Joe Biden pour son incapacité à sécuriser la frontière sud où entrent des immigrantEs, y compris des « trafiquants de drogue » et des « criminels », a-t-il dit. Il a déclaré sur un ton sarcastique qu’il était heureux d’assurer le transport des migrantEs vers les États sanctuaires démocrates. La législature de Floride avait approuvé un budget de 12 millions de dollars pour expédier les migrantEs hors de l’État et DeSantis a dépensé 615 000 dollars de cet argent pour les vols vers Martha’s Vineyard.

Depuis plusieurs mois, trois gouverneurs républicains — Doug Ducey en Arizona, Greg Abbott au Texas et Ron DeSantis en Floride — transportent des immigrantEs hors de leur État afin d’obtenir un soutien politique pour leur parti avant les élections de mi-mandat qui auront lieu le 8 novembre. Ils ont jusqu’à présent transporté 10 000 migrantEs vers Chicago, New York et Washington, tous des États et des villes dirigés par le Parti démocrate. Ils agissent ainsi, disent-ils, en raison de l’énorme charge que les immigrantEs font peser sur leurs États et ils veulent attirer l’attention du public sur ce problème. Mais ils se réjouissent également des difficultés qu’ils causent aux gouverneurs et aux maires du Parti démocrate des États et des villes vers lesquels les migrantEs sont envoyés, tout en ignorant bien sûr les problèmes causés aux migrantEs.

Ce coup d’éclat destiné à aider le Parti républicain lors des élections de mi-mandat en novembre (destinées à renouveler la Chambre des représentants et un tiers du Sénat et divers postes locaux) vise également à faire la promotion des gouverneurs eux-mêmes. Abbot et DeSantis qui veulent être réélus et pourraient tous deux être candidats à l’investiture républicaine pour la présidence en 2024. Mais la manœuvre pourrait se retourner contre eux.

« Rien de plus qu’une posture politique »

Le shérif Javier Salazar, un démocrate du comté de Bexar, au Texas, a lancé une enquête criminelle sur DeSantis. Il a qualifié ce qui s’était passé de « violations des droits humains » et a déclaré qu’il pensait que les migrantEs étaient « une proie » et qu’ils et elles étaient « exploités » pour « rien de plus qu’une posture politique. »

L’organisation Lawyers for Civil Rights (Juristes pour les droits civiques) a intenté un recours collectif contre DeSantis au nom des demandeurEs d’asile vénézuéliens et d’Alianza America, un réseau d’organisations d’immigrantEs. La plainte affirme que DeSantis « s’est engagé dans un plan frauduleux et discriminatoire pour transporter près de 50 immigrants vulnérables, y compris des femmes et des enfants, de San Antonio, au Texas, à Martha’s Vineyard sans abri ni ressources sur place ».

« Aucun être humain ne devrait être utilisé comme un pion politique dans le débat hautement polarisé de la nation sur l’immigration », a déclaré Ivan Espinoza-Madrigal de Lawyers for Civil Rights.

Tout le monde s’accorde à dire que le système d’immigration états­unien est défaillant, avec près de deux millions d’immigrantEs sans papiers détenus chaque année. Mais les Républicains suggèrent qu’ils sont des criminels ou des parasites qui vivent des avantages sociaux, alors qu’en fait toutes les études montrent que les immigrantEs obtiennent des emplois, contribuent économiquement et commettent moins de délits que les autres.

Nul doute que les gouverneurs républicains obtiendront le soutien de la base politique de Trump. Mais les photos des familles avec leurs enfants se tenant dans les rues, l’air perdu et effrayé, leur coûteront également les votes de nombreux indépendants. Les libéraux, les progressistes et les socialistes, qu’ils soient immigréEs ou natifs, se sont mobilisés pour aider et défendre ces migrantEs, et pourraient être incités à se rendre aux urnes pour voter contre les Républicains et donc généralement pour les Démocrates.

Traduction Henri Wilno