Il y a à peine un mois, les dirigeants européens poussaient des ouf de soulagement après un nouveau plan de « sauvetage » de la Grèce et les 1 000 milliards d’euros de la Banque centrale distribués au système bancaire européen. Ils estimaient que le plus dur était passé, à l’image de Nicolas Sarkozy déclarant : « Je pense que nous sommes sortis de la crise financière, que la confiance revient et que nous sommes en phase de reprise économique. »
Après ce répit apparent, la réalité s’impose à nouveau. Le ralentissement économique est général et, en dehors de la France (croissance nulle), de l’Allemagne et de l’Autriche, tous les pays de la zone euro sont en récession et, s’inquiète le quotidien économique les Échos, « le soutien aux politiques d’austérité faiblit aussi en France, aux Pays-Bas ou ailleurs ».Les articles de ce dossier décrivent la situation dans plusieurs pays européens. Deux cas apparaissent particulièrement significatifs de la situation présente. Tout d’abord, les Pays-Bas, dernier pays de la zone euro avec l’Allemagne et le Luxembourg à bénéficier pour sa dette de la note triple A, sont désormais menacés d’être dégradés. La coalition au pouvoir s’est divisée sur un nouveau tour de vis aux dépenses publiques : le parti de la Liberté, nationaliste, s’est opposé aux propositions du Premier ministre. L’Espagne, quant à elle, est désormais en première ligne dans les inquiétudes des financiers. Les taux exigés par les marchés pour acheter les titres de la dette espagnole grimpent à nouveau, et les banques (notamment les anciennes caisses d’épargne) sont toujours plombées par l’explosion de la bulle immobilière. Ces deux cas sont ceux de « bons élèves » des prescriptions des marchés, du FMI et de la Commission européenne, et, à ce titre, sont emblématiques de l’impasse du cours actuel de l’Union européenne.
Il est démontré une fois de plus qu’il est vain de vouloir rassurer des marchés financiers qui veulent une chose et son contraire. Les financiers veulent en effet l’austérité pour réduire les déficits et être rassurés sur la valeur des titres de la dette publique qu’ils détiennent. Ces mêmes financiers constatent que l’austérité tue la croissance et donc réduit les recettes fiscales et maintient les déficits. Leur seule logique profonde est la casse des acquis sociaux subsistant en Europe pour maintenir le taux de profit ébréché par la crise.Comme il faut bien faire semblant de tenir compte du mécontentement des populations, les discours se multiplient sur un « pacte de croissance », complémentaire du traité européen, que Hollande s’est engagé à renégocier. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, s’est ainsi déclaré favorable à une initiative de croissance, suscitant des réactions positives dans le camp Hollande. En fait, les prétendues mesures de croissance envisagées par Draghi sont de nouvelles dispositions de libéralisation du marché du travail et de soutien aux entreprises.
En 1997, Jospin avait aussi annoncé qu’il renégocierait le pacte de stabilité. En fait, il s’était satisfait d’un changement du titre : le document conservait pour l’essentiel le même contenu et était rebaptisé « pacte de stabilité et de croissance ». Aujourd’hui, face à la crise, à ses ravages sociaux et à l’extrême droite en embuscade, les enjeux sont encore plus élevés. On peut prévoir que Hollande, s’il est élu, va essayer de finasser et de faire passer des mesures cosmétiques pour une vraie renégociation.
Face à la crise, un gouvernement qui ne serait pas seulement de gauche en paroles agirait pour changer les règles du jeu en Europe en prenant des mesures unilatérales de contrôle de la finance et en n’hésitant pas à provoquer une crise des institutions pour mettre les autres gouvernements au pied du mur et susciter la mobilisation des peuples. Il est peu probable au vu de sa campagne que Hollande prenne ce chemin. Il va donc falloir se mobiliser de façon indépendante.
Dans l’immédiat, du 17 au 19 mai, aura lieu à Francfort un week-end d’actions pour dénoncer les politiques d’austérité en Europe. Il faut que cette initiative et celles qui suivront en France et en Europe soient les plus larges possible. La mobilisation est le seul moyen d’imposer les mesures nécessaires pour dessiner un autre horizon que celui de la crise sans fin : la socialisation des banques, la remise en cause de la dette, la mise en place de mesures de sauvegarde sociales.
Henri Wilno