Après six années d’enquête, Fabrice Arfi et Karl Laske, de Mediapart, sortent un livre édifiant, Avec les compliments du Guide, qui décrit « un système de compromissions étatiques et politiques probablement inédit sous la 5e République et un nouvel épisode colonial de la France ».
Tous les éléments d’un excellent roman policier sont réunis, sauf qu’ici l’incroyable est une terrible réalité aujourd’hui soumise à l’instruction de la justice.
Dès 2005-2006, Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, noue des rapports étroits avec Kadhafi, dictateur riche, corrompu, en quête de normalisation internationale et prêt à tout pour avoir la reconnaissance et le soutien de la France. Y compris à financer la campagne présidentielle de Sarkozy avec de l’argent sale.
Le mensonge, l’argent sale et la corruption
Un document de décembre 2006, signé par M. Koussa, chef des services secrets extérieurs libyens, cite cet accord afin d’« appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles Nicolas Sarkozy pour un montant de 50 millions d’euros ». Ce financement occulte, évidemment illégal, toujours nié par Sarkozy et sa clique, se réalise par le passage de valises bourrées d’argent sale, par Takkiénine et Guéant, avec la complicité acquise grâce à de copieuses enveloppes de billets distribuées au clan sarkozyste et le silence coupable d’Éric Woerth, alors trésorier de campagne et actuel président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale (!).
Sarkozy, dans un premier temps, pense acheter le silence du dictateur et des siens, en lui offrant les honneurs auxquels il aspire. Fin 2007, avec l’argent des contribuables, il organise ainsi une réception à l’Élysée, grandiose, ridicule et aux relents furieusement coloniaux.
Les assassinats, la guerre, la Françafrique
En 2011, avec notamment les soulèvements dans la monde arabe, le vent tourne. Kadhafi, fragilisé en interne, appelle au secours celui dont il croit avoir acheté le soutien. En l’absence de réponse de Sarkozy, le dictateur menace de révéler « un grave secret ». Le peuple libyen menace quant à lui le pouvoir, et une chute de Kadhafi sous la pression populaire présente le risque que soit mise à nu la double forfaiture. La France, avec la Grande-Bretagne, arrache alors à l’ONU un mandat pour partir en guerre, sur la base d’informations sans preuve qui se révéleront fausses. Avec le soutien bruyant de la presse, de BHL, du PS et de Mélenchon ! Résultat : 1 million de réfugiéEs, un pays aux infrastructures, à l’économie, à la société détruites, mais surarmé grâce à la dispersion de l’arsenal immense de Kadhafi. Celui-ci ne parlera plus jamais : exécuté par la France, lynché par la population.
Cette guerre devait faire oublier la compromission, la haute trahison et aussi permettre de perpétuer la domination. Car la France n’a toujours pas quitté la Libye militairement. De plus, dans le cadre de l’UE, elle « tient » l’État libyen par le financement scandaleux de camps de rétention où sont retenues durablement des populations en route vers l’Europe fuyant les guerres impériales, les dictatures, la misère !
Roseline Vachetta