Le Rwanda devient une pièce maîtresse pour l’Union européenne (UE) tant dans la lutte contre l’immigration que pour la sécurisation de pays africains en proie aux attaques de leur rébellion.
À la suite à leur accord, Rishi Sunak et Kagamé se disent impatients de voir au plus vite les premiers migrants de Grande-Bretagne expulsés au Rwanda, et tant pis si ce pacte déroge au droit international. Si on perçoit les intérêts électoraux pour Sunak de cette politique démagogique et raciste, qu’en est-il pour Kagamé ?
Argent contre migrant
Les intérêts sont d’abords financiers, et les autorités rwandaises ne s’en cachent pas. Les 300 premiers migrantEs transférés devraient rapporter au Rwanda 220 millions d’euros. À cela s’ajoutent 25 millions d’euros financés par l’UE dans le cadre du « mécanisme de transit d’urgence » pour des migrantEs évacués de Libye. En plus du gain financier, Kagamé bénéficie d’une tolérance pour ses violations systématiques des droits humains. Il va d’ailleurs entamer son quatrième mandat lors des prochaines élections présidentielle à l’été 2024, qu’il gagnera avec les mêmes scores soviétiques affichés lors des précédents scrutins. Les organisations de défense des droits humains ont pu dénoncer à maintes reprises les assassinats d’opposantEs à travers le monde, rien ne bouge.
Indulgence coupable
Cette mansuétude des pays occidentaux pourrait s’expliquer par la culpabilité. Celle de l’indifférence à un génocide qui se déroulait sous leurs yeux. Mais il y a surtout la diplomatie militaire du Rwanda. Il est le deuxième contributeur africain des opérations de maintien de la paix. Près de 4 600 soldats rwandais sont déployés dans les missions onusiennes au Sud Soudan et en Centrafrique. Dans ce pays, le Rwanda a envoyé ses forces spéciales en 2020 pour sauver le régime. Un soulagement pour l’Europe craignant de voir une nouvelle fois cet État tomber dans un chaos aux conséquences délétères pour la stabilité de la région.
Le nouveau gendarme
Le Rwanda s’est rendu indispensable pour la France en intervenant au Mozambique. Ses soldats ont repoussé les combattants islamistes de Cabo Delgado et assurent la sécurité de cette région stratégique pour TotalEnergies. La multinationale investit près de 15 milliards de dollars pour la production de gaz liquéfié.
Kagamé, c’est un peu le Wagner de l’occident. En effet l’armée française étant désormais indésirable à peu près partout en Afrique, le rôle de gendarme semble être dévolu au pays des milles collines. Ainsi le Bénin, qui subit des incursions des djihadistes du Burkina Faso voisin, vient de passer un accord militaire. Il ouvre la voie à une intervention de l’armée rwandaise. Si cette opération est un succès, il y a fort à parier que d’autres pays pourraient être demandeurs.
Les autorités rwandaises profitent de ce nouveau rôle pour mener leur politique d’agression et de pillage dans l’est de la République démocratique du Congo en soutenant la milice du M23, coupable des pires atrocités contre les populations sans risque de se voir sanctionner.
Paul Martial