Vous pouvez aussi retrouver sur Youtube l'entretien « Rwanda 1994 : la France complice du génocide » avec Camille Lesaffre chargée de campagne à l'association Survie
Le revirement du pouvoir sur le génocide rwandais s’explique par les pressions politiques et militaires afin d’éviter de donner prise à une action en justice.
Alors que le 30e anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda était commémoré, Macron s’est illustré par son recul concernant la responsabilité de la France. En effet, jeudi 4 avril l’Élysée faisait parvenir à certaines rédactions des éléments de langage contenus dans la vidéo présidentielle enregistrée pour l’occasion.
Le revirement
« La France aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, mais n’en a pas eu la volonté ». La communication de l’Élysée expliquait que la vidéo de Macron du 7 avril continuerait dans cette voie. Ceux qui se sont depuis des décennies battus pour la vérité, qu’ils soient journalistes, activistes ou victimes se sont félicités de ce pas en avant. On parlait même d’une déclaration qui sauve l’honneur de la France.
Trois jours plus tard, la vidéo de Macron ne mentionne ni cette phrase ni d’autres qui auraient pu aller dans le sens d’une reconnaissance entière de l’implication de la France dans le dernier génocide du 20e siècle. Il affirme « Je crois avoir tout dit ce 27 mai 2021 quand j’étais parmi vous. Je n’ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher de ce que je vous ai dit ce jour-là. » Il fait référence à sa déclaration : « En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, je viens reconnaître nos responsabilités. […] La France, elle est restée de fait aux côtés d’un régime génocidaire. » Fermez le ban ! Macron n’ira pas plus loin.
Les enjeux
Le service de communication de l’Élysée dément toute rétractation et accorde qu’il y a eu un quiproquo, les rédactions auraient surinterprété la volonté politique du président. Les enjeux de ce repli sont tout autres. La reconnaissance d’une absence de volonté de stopper un génocide permet la qualification de complicité de génocide et fait peser sur la tête des principaux décideurs de l’époque une épée de Damoclès, et en tout cas l’opprobre de comparaître devant un tribunal pour le pire des crimes qui reste imprescriptible. On sait que Védrine, secrétaire général de l’Élysée, un des principaux protagonistes de cette affaire, n’a eu de cesse de se démener contre cette déclaration. Jean Glavany, président de l’Institut François-Mitterrand, a lui aussi protesté au nom de la vérité, même s’il a fallu une décision du Conseil d’État en 2021 pour rendre accessibles les archives de l’ancien président montrant son soutien aux génocidaires.
Si l’agitation était palpable dans le cénacle des politiciens de cette période, nul doute qu’elle l’était aussi du côté de la hiérarchie militaire qui a dû faire de fortes pressions, au vu des risques judiciaires, et continue d’interdire l’accès à ses archives.
Une requête au tribunal administratif de Paris a été déposée par deux associations dont Survie ainsi que des rescapéEs du génocide, contre l’État français, pour sa responsabilité dans le déroulement du génocide des Tutsi.