Publié le Samedi 2 novembre 2024 à 08h35.

Guinée, le grand bond en arrière

Alors que des voix s’élèvent dans le monde contre l’enlèvement de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, les autorités françaises restent silencieuses face aux exactions des putschistes.

 

Trois ans après le coup d’État, le général Mamadi Doumbouya, ancien caporal-chef de la Légion étrangère, s’éloigne de sa promesse de rendre le pouvoir aux civilEs. La mansuétude dont il bénéficie ne risque pas de le faire changer d’avis.

Indulgence pour les bons putschistes

Interviewé sur RFI, Bruno Fuchs, député du Modem auteur de deux rapports sur l’Afrique et la francophonie et tout nouveau président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, traduit l’état d’esprit de la macronie vis-à-vis des putschistes : « On a une junte dont on pense aujourd’hui qu’elle est dans la volonté d’un retour à l’ordre constitutionnel ». Il y a surtout une volonté de légaliser le coup d’État avec le projet d’une nouvelle Constitution et d’une élection, qui évidemment portera Doumbouya au pouvoir. 

D’ailleurs dans un entretien en juillet, toujours sur RFI, Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole de la junte, vend la mèche : « les militaires ne sont pas venus au pouvoir pour dire : “on organise l’élection, puis on se pousse pour que l’autre s’installe” ». Cela ne semble pas déranger l’Élysée, tant que la Guinée ne se joint pas au camp antifrançais du Mali, du Burkina Faso et du Niger. 

Misère et répression

Si le coup d’État fut au début bien accueilli mettant fin au pouvoir d’Alpha Condé qui se préparait à un troisième mandat, les populations ont vite déchanté. La situation économique se détériore au point qu’actuellement plus de 10 % de la population est victime d’une crise alimentaire contre seulement 2,6 % en 2021. Simandou, la plus grande mine de bauxite au monde, non encore exploitée, est le fruit de négociations très opaques entre la junte et la multi­nationale anglo-australienne Rio Tinto. Les médias critiques sont censurés, les principaux opposantEs sont en exil quand ils ne sont pas enlevés. C’est le cas pour Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, dirigeants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Kidnappés il y a trois mois, subissant des supplices au camp militaire de l’île de Kassa, leurs familles et amis n’ont plus aucune nouvelle. Tout récemment un ancien haut fonctionnaire du ministère des Mines, Sadou Nimaga, a également été enlevé.

Quant aux manifestations, elles sont interdites et réprimées. D’après les décomptes d’Amnesty International, 47 personnes ont été tuées. Si le pouvoir a rapidement perdu le soutien populaire — 72 % des GuinéenNEs considèrent que la situation de leur pays est mauvaise — des fractures s’opèrent aussi à l’intérieur de l’armée, entraînant des règlements de comptes, des limogeages d’officiers, comme celui du responsable de la sécurité militaire Ismael Keïta, ou l’arrestation et la mort du colonel Célestin Bilivogui ou du numéro deux de la junte, le général Sadiba Koulibaly. Une façon très particulière de la junte d’entreprendre le « retour à l’ordre constitutionnel ».