Publié le Jeudi 18 décembre 2025 à 12h00.

Guinée-Bissau : Des élections volées

Donné perdant aux élections, le clan présidentiel a opté pour un coup de force lui permettant de garder le pouvoir et de continuer à bénéficier des largesses des narcotrafiquants.

La Guinée-Bissau vient de connaître un coup d’État orchestré par le chef d’état-major, le général Horta N’Tam, quelques jours après l’élection présidentielle. Il s’est proclamé président du Haut commandement pour la restauration de l’ordre.

Manœuvres déjouées

En écartant son principal rival, Domingos Simões Pereira, le leader du PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert), le président Umaro Sissoco Embaló pensait pouvoir renouveler son mandat sans grande difficulté. Ces manœuvres s’inscrivent dans une gestion de plus en plus autoritaire, qui n’a pas hésité à dissoudre une Assemblée nationale dominée par l’opposition et à différer sans cesse les législatives.

L’apparition d’un candidat indépendant, Fernando Dias, soutenu par le PAIGC, s’est révélée être un sérieux défi, au point que les estimations à la sortie des urnes le donnaient gagnant. Le 26 novembre, des hommes cagoulés et armés investissent la Commission nationale des élections, détruisent les procès-verbaux et s’emparent du serveur utilisé pour calculer les résultats. Dans le même temps, les militaires déclarent « avoir pris le contrôle total du pays » et mettent fin au processus électoral.

Empêcher les élections

Beaucoup de commentateurs ont considéré ce putsch comme une comédie organisée par Embaló dans le but de reprendre le pouvoir rapidement. Ils avancent la facilité avec laquelle il a pu quitter le pays, le fait que la plupart de ses partisans demeurent au gouvernement et que Horta N’Tam était un proche. Cependant, en tant qu’ancien officier, Embaló sait parfaitement qu’une fois le pouvoir confié à un militaire, même allié, il peut être perdu. Ce qui paraît le plus plausible est que son clan ait été l’instigateur du coup de force dans le but de maintenir sa position économique.

Car la Guinée-Bissau est une plaque tournante du narcotrafic. La valeur de la cocaïne qui y transite est estimée entre 1,8 et 2,5 milliards de dollars par an, dont une partie ruisselle, pour reprendre l’expression consacrée, vers les détenteurs du pouvoir politique, militaire et sécuritaire.

Démantèlement de l’État de droit

Embaló a bénéficié de la mansuétude des putschistes. Ce n’est pas le cas de Pereira, qui a été emprisonné comme d’autres activistes de la société civile. Quant à Fernando Dias, il a pu in extremis se réfugier au Nigeria. La dissolution du Conseil de la magistrature et la nomination d’un nouveau procureur de la République, Ahmed Tidiane Baldé, avec des pouvoirs étendus, lui permettent désormais de nommer et démettre n’importe quel juge.

Le Frente Popular, une plateforme rassemblant des organisations militantes, exige la proclamation des résultats sur la base des doubles des procès-verbaux conservés dans les provinces, ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques.

Paul Martial