Publié le Samedi 10 juin 2023 à 11h00.

Intégrisme chrétien : croisade réactionnaire en Afrique

La droite chrétienne des USA tente d’influencer à coups de millions de dollars les politiques africaines concernant les droits des femmes et des minorités sexuelles, en s’appuyant sur les églises évangélistes qui ont émergé sur le continent.

La récente actualité en Ouganda où le président Museveni a promulgué la loi réprimant les homosexuelEs, met en lumière le rôle des organisations de la droite chrétienne aux USA qui n’ont cessé de soutenir les campagnes homophobes dans ce pays. Une enquête du site « openDemocracy » montre que, depuis 2007, ces organisations ont dépensé 280 millions de dollars pour financer des activités hors USA.

Églises évangélistes et droite étatsunienne

Près de 53 millions ont été consacrés aux pays africains qui connaissent pour la plupart d’entre eux une profusion d’églises dites évangéliques. Profondément réactionnaires, elles sont opposées à l’égalité entre hommes et femmes, aux relations sexuelles hors mariage, à la contraception, à l’avortement et bien entendu à l’homosexualité.

À partir de cette idéologie, les milieux ultra-conservateurs étatsuniens et ces églises vont travailler de concert. Dans les années 2000, Janet Museveni, la femme du président ougandais, a mené une campagne pour l’abstinence sexuelle présentée comme la solution contre la propagation du VIH. Au même moment, le président George W. Bush lançait son plan anti-SIDA, le « President’s Emergency Plan for AIDS Relief » (PEPFAR). Les élus ultra-conservateurs mèneront une campagne avec succès pour que la tempérance sexuelle soit une des stratégies centrales du plan, en argumentant sur les prétendus succès de l’Ouganda. Ainsi en 2005, les deux tiers des fonds du PEPFAR ont été employés à promouvoir l’abstinence.

Les « militants de la morale »

Les experts considèrent que la réunion de Kampala en mars 2009 sur le thème « The Gay Agenda. The Whole Hidden and Dark Agenda » (La face cachée et sombre de l’agenda gay) est à l’origine de la première loi contre l’homosexualité en Ouganda. Participaient, les dirigeants étatsuniens d’Exodus International et de Defend the Family, des organisations anti-gay.

Certaines organisations comme « Human Life International » et « Heartbeat International » interviennent directement dans les pays africains. Sous le couvert d’aide humanitaire Heartbeat a développé des centres de santé maternelle. Leur but est de persuader les jeunes filles et les femmes enceintes de renoncer à l’avortement. En Ouganda, ces centres dissuadent les jeunes filles d’utiliser la contraception en prônant l’abstinence.

Family Watch International mène des campagnes dans au moins une dizaine de pays du continent visant à interdire l’éducation sexuelle. Cette association organise des formations pour les hauts cadres des administrations des pays africains pour leur apprendre à négocier des projets visant à restaurer l’ordre moral.

Agenda politique

Les ultra-conservateurs des USA s’appuient sur les églises évangéliques africaines pour maintenir l’ordre patriarcal. Ces églises se soucient peu que certaines organisations comme le « World Congress of Families » ont des liens avec l’extrême droite européenne.

Dans les pays où une part grandissante des populations est confrontée à la misère, à l’insécurité et à l’absence de perspectives, les églises évangéliques servent de refuges spirituels et parfois matériels. Elles attirent des millions de personnes et deviennent un enjeu politique pour les gouvernements africains en place. Nombre de gouvernements des pays du continent sont influencés par les églises évangélistes via des ministres quand ce ne sont pas les présidents qui en sont membres.

Si on pointe, à juste titre, le rôle néfaste joué par les intégristes islamistes soutenus par les pays du golfe en Afrique, on ne saurait oublier celui des évangélistes appuyés par l’extrême droite chrétienne des USA avec des agendas politiques similaires.