Des centaines de milliers de femmes italiennes ont manifesté, dimanche 13 février, contre le gouvernement Berlusconi et son sexisme caractérisé. C’est dans les rues occupées par les femmes que la colère et le malaise qui couvaient dans la société italienne se sont finalement exprimés. Il a suffi d’un appel à la mobilisation, assez peu radical, pour que des centaines de milliers de personnes se déplacent comme si elles n’attendaient que cela depuis trop longtemps déjà. La crise permanente dans laquelle s’est enfoncé le gouvernement Berlusconi et les scandales invraisemblables qui accompagnent ce que nous espérons ne pas être une mort trop lente, ont fonctionné comme détonateur d’une indignation évidente, bien que niée par les acolytes du Premier ministre, le Parti démocrate (PD), ainsi qu’une partie de la direction de la CGIL qui s’obstine à ne pas « voir les conditions réunies » pour appeler à une grève générale. Il est difficile de faire une radiographie à chaud de la composition et des idées politiques des manifestants. Néanmoins, il est évident qu’une partie importante de l’électorat de l’opposition, et en particulier du PD, a sauté sur l’occasion pour rompre les digues de timidité et de manœuvres de leurs dirigeants. Il faut y ajouter les femmes dont la colère, comme le 24 novembre 2007 lors de la manifestation à Rome « contre la violence », semble couver dans la société italienne dans l’attente du moment opportun pour émerger. Une colère dense et une volonté d’affirmer ses droits et sa dignité, sans objectifs ni plateforme politique clairs, mais avec l’envie d’être présentes. Il y avait aussi une bonne dose de radicalité comme l’a montré l’accueil chaleureux réservé à l’initiative organisée Piazza del Popolo par divers collectifs féministes et mouvements.
Les copines des collectifs de femmes étudiantes et jeunes, des centres contre la violence, des centres sociaux et tant d’autres féministes ont décidé de participer ensemble à la journée de mobilisation pour faire émerger une dénonciation globale des politiques patriarcales caractéristiques de ce gouvernement qui rogne sur les droits des femmes, ne rencontrant qu’une opposition symbolique des forces de gauche modérées. Refusant aussi de tomber dans le piège d’une mobilisation des femmes « bien » contre les femmes « mauvaises », un sentiment qui a pourtant accompagné au début certains appels à la mobilisation.En fin de matinée, des centaines de milliers de femmes ont manifesté devant le ministère du Travail, déposant symboliquement devant le portail une série de paquets représentant les « cadeaux » que le gouvernement et les patrons ont fait aux femmes et dont elles ne veulent pas : la loi sur la procréation assisté, la hausse de l’âge légal de la retraite, les attaques contre le droit à l’avortement, les coupes dans la sécurité sociale, les lois répressives et la persécution des prostituées dans la rue, etc. Le cortège est arrivé Piazza del Popolo aux cris de « Nous sommes toutes des Égyptiennes, grève générale », applaudi par les nombreuses femmes qui n’arrivaient même plus à rentrer sur la place déjà pleine. Elles ont ensuite déposé d’autres paquets-cadeaux devant l’entrée du Parlement, après avoir franchi les barrières. L’énorme succès de la journée de mobilisation appelle à une suite et à un engagement des parties les plus conscientes et radicales parmi tous les acteurs sociaux, syndicaux et politiques qui ont animé la rue, pour organiser un mouvement généralisé d’opposition au gouvernement et à sa politique, afin de capter la colère sociale croissante provoquée par la crise économique et par le fait que le gouvernement et les patrons continuent d’en faire payer le prix aux travailleuses et aux travailleurs. À Susanna Camusso (secrétaire national de la CGIL) qui parlait à la tribune Piazza del Popolo, il faudrait demander : « Si ce n’est pas maintenant, quand… la grève générale ? » À Berlusconi, assiégé dans son Palais, il faudrait dire, comme la rue tunisienne et égyptienne « Si ce n’est pas maintenant, quand… vas-tu partir ? » La rue d’aujourd’hui, comme celle des étudiants en décembre ou comme les urnes de Mirafiori bourrés de « Non », disent que malgré l’état comateux de la gauche institutionnelle, la société italienne n’est pas domptée et encore moins prête à payer leur crise ! Flavia d’Angeli (porte-parole de Sinistra Critica) - traduction Nick Barrett