L’adoption de la prétendue « réforme du marché du travail » à la fin du mois de juin par le gouvernement Monti, a représenté l’énième épisode d’une progressive attaque des droits et des conquêtes sociales du mouvement de classe en Italie.Dès sa nomination l’hiver dernier, le gouvernement Monti, choisi par l’Europe et par le président Napoletano, et soutenue du centre-droit au centre-gauche (en particulier le Parti démocrate), a entrepris de s’en prendre aux droits sociaux que les travailleurEs italienNEs avaient obtenus en 1968-1969.D’abord, il y a eu la loi qui a repoussé l’âge du départ en retraite et aggravé les coefficients de versement des pensions. Dans un deuxième temps, des mesures augmentant les impôts directs et indirects sans aucune « équité » (faisant croire que faire payer à tous de la même manière serait un signe de justice). Enfin, une loi en juin a annulé le droit à la réintégration pour les travailleurs licenciés sans « motif juste », bafouant ainsi un article important du statut des travailleurs de 1970. Dans le même temps, cette loi a aggravé les conditions des travailleurEs précaires – avec l’objectif de réduire leurs droits et de les exposer encore davantage au chantage des licenciements.Aujourd’hui, au prétexte de la réforme des dépenses de l’État (la « spending review »), se prépare une attaque contre la fonction publique, prévoyant la possibilité de chômage partiel et de licenciement. Cette attaque du gouvernement est en parfaite harmonie avec le patronat, l’exemple le plus éclatant étant le « modèle Marchionne » : le patron de Fiat a obtenu la fermeture des établissements et l’exclusion du syndicat de la métallurgie FIOM de ses usines et une meilleure exploitation des ouvriers – avec la complicité d’une partie importante des syndicats qui pratiquent la concertation (CISL et UIL).L’objectif de ces attaques n’est pas principalement économique, bien que le discours politique se serve de l’énorme dette publique et de « l’insuffisance productive » des usines italiennes (comme ce qui arrive d’ailleurs à PSA en France), mais politique : supprimer définitivement les droits et des conquêtes politiques et sociales que le mouvement des travailleurEs avait obtenus grâce aux luttes en 1968-1969, et dans les années 1970. Malheureusement, cette politique peut s’exercer façon aussi brutale grâce à la complicité explicite (CISL et UIL) ou plus ambiguë (CGIL) des confédérations syndicales.La CGIL, étroitement liée au Parti démocrate – pour qui elle représente un instrument d’intervention dans le monde du travail –, a quasiment empêché une vraie mobilisation, sans déclarer de grève générale qui aurait pu permettre le blocage des mesures du gouvernement (l’objectif de la chute du gouvernement Monti s’est plus ou moins posé).La riposte à la peineDans le camp syndical, seuls les syndicats alternatifs et qui ne pratiquent pas la concertation (en particulier CUB et USB) d’une part, et la FIOM de l’autre, avec les limites dues à son appartenance à la CGIL, ont essayé de mettre en place des initiatives de lutte, malheureusement encore trop fragmentaires et peu efficaces. Dans l’ensemble, le mouvement social en Italie n’a pas réagi de façon adéquate à la portée de l’attaque – ébranlé aussi par l’issue de la grande manifestation du 15 octobre 2011, quand des dizaines de milliers de personnes à Rome n’ont pas pu mener à terme un cortège politiquement important à cause de quelques épisodes aventuristes, et de la réaction des forces de l’ordre. Depuis, les mobilisations n’ont pas manqué, en particulier sur le terrain de la défense du « bien commun » et du territoire (notamment contre le TGV Lyon-Turin-Val de Suse), mais elles n’ont jamais rejoint des niveaux de généralisation et d’unification des luttes.Ainsi, il semble aujourd’hui que les mesures d’austérité et les politiques antipopulaires peuvent être approuvées, en l’absence de conflit social.À cette difficulté du mouvement social s’ajoute une crise de la gauche radicale, qui ne réussit pas à se remettre de l’expérience négative de la participation au gouvernement Prodi – et qui avec cette expérience s’est déchiré, comme Sinistra Critica, peinant à se donner une identité et un projet capables de relancer une présence anticapitaliste plus efficace, et de masse.Pour essayer de recréer le conflit social et un possible front unique contre le gouvernement, des appels ont déjà été lancés, afin de trouver des voies communes pour une mobilisation unitaire à l’automne. Désormais, ce n’est plus un choix mais une nécessité dont tous les sujets politiques et sociaux devront tenir compte.
Piero Maestri, porte-parole de Sinistra CriticaTraduction : Alain Pojolat