Six mois après la formation du gouvernement Monti, la popularité des professeurs-ministres, dont ils ont bénéficié grâce au discrédit qui a accompagné la fin de l’ère Berlusconi, commence à faiblir, même si à l’horizon n’apparaît aucune alternative politique crédible.
En effet le « gouvernement technique » a réussi, fort de l’appui bipartisan des deux fronts parlementaires et en l’absence d’une opposition syndical réelle, à faire approuver toute une série de mesures économiques clairement classistes que pas même Berlusconi n’avait pu imposer si nettement.
Ainsi, en quelques mois le gouvernement a réussi à imposer ses recettes « grecques » : la réforme des retraites, qui prévoit en même temps l’augmentation de l’âge de départ à 67 ans et la baisse des pensions ; la réforme du code du travail, avec l’affaiblissement du droit à récupérer son poste si on est victime d’un licenciement injuste (prévu depuis 1969 par le statut des travailleurs) et la baisse des allocations sociales et de chômage ; les nouvelles réductions des dépenses publiques, notamment de la santé et de l’école ; l’augmentation des impôts non progressifs, comme la TVA, la taxe sur les carburants, l’électricité, l’eau et le gaz, celle sur la propriété... Ce « miracle » a été seulement possible grâce au climat d’unité nationale construit tantôt par la droite tantôt par le Parti démocrate, et en particulier par le président de la République, qui a terrifié la population avec le « danger grec », encore bien présent d’ailleurs. Ce climat a produit le soutien de la gauche modérée à toute recette gouvernementale, proposée à l’opinion publique comme seule solution pour éviter le défaut de l’État. La Confédération générale italienne du travail (CGIL), même si elle rencontre plus de difficultés à masquer les effets tragiques des politiques du gouvernement sur les conditions de travail et de vie des travailleurs, ne trouve pas la force ni la volonté pour se libérer de l’embrassement mortel de la « responsabilité nationale », se contentant de présenter des amendements aux réformes proposées.
Néanmoins, les effets convergents de la crise économique, encore bien présente, des politiques de sacrifices imposées par le gouvernement, et du discrédit énorme du système politique submergé par une série de scandales de corruption (au cours de quelques semaines ont été accusés de violation du financement publiques le PD, la Ligue du Nord et, évidemment, le parti de Berlusconi qui, lui, ne cesse d’avoir des procès) commencent à affaiblir la confiance populaire envers le gouvernement.
Cela est démontré par les manifestations spontanées des ouvriers pour défendre l’article 18 du Code du travail sur les conditions de licenciement, par le succès des élections cantonales des listes « citoyennes », comme celles promues pas le comique Grillo, qui font de l’antipolitique et de la critique féroce contre le « palais » leurs points forts. Ainsi les sondages commencent à montrer que la popularité du gouvernement est en baisse.
Cependant, tout cela se passe en l’absence dramatique d’une gauche de classe crédible, capable de répondre au mécontentement populaire et surtout de le transformer en lutte sociale, et d’accompagner et promouvoir de nouvelles formes d’auto-organisation et de participation par le bas. En effet, la crise verticale de la gauche radicale italienne ne fait que s’aggraver, toujours plus prisonnière de recettes politiciennes visant la sauvegarde de micro-appareils, sans réelle capacité d’animer une dynamique politique et sociale large, qui puisse récolter la rage sociale, en particulier de la jeunesse, en abandonnant des rituels et des pratiques politiques anciennes.
Dans cette situation si complexe, la seule chance de résistance et reconstruction d’une nouvelle gauche anticapitaliste dans la prochaine période, est d’investir à fond sur l’explosion de tout le mouvement social, en aidant toute forme de radicalisation et de participation populaire, à partir des luttes existantes, et des prochaines échéances, même européennes, comme les journées de Francfort1.
Flavia d’Angeli