Publié le Mercredi 17 juillet 2024 à 16h00.

Kanaky : il a la peau dure, le temps des colonies !

Le haut-commissaire, représentant l’État sur le territoire, les forces de répression, la justice, le personnel politique loyaliste, toutes et tous se dressent pour refuser au peuple kanak le droit à son indépendance !

 

Ils n’ont pas de mots assez forts pour dénigrer la victime, mais c’est bel et bien lui qui est mort ! Il s’appelait Rock Victorin Wamytan, dit « Banane ». Il a été abattu, comme Éloi Machoro jadis, par un tireur d’élite du GIGN, à 700 mètres ! 

Un homme est mort

La justice reconnaît la légitime défense (toujours étrange comme concept s’agissant d’un sniper équipé d’un fusil de précision !), le tireur ne sera pas inquiété (comme dans le cas de Machoro). Ainsi, la sinistre liste s’allonge des Kanak qui ont laissé leur vie sur les barrages, sans qu’aucun de ceux qui ont dirigé leurs armes contre eux ne soit emprisonné ! En revanche, ceux qui sont en prison, celleux qui sont déportéEs en métropole, à 17 000 kilomètres de chez elleux, sont touTEs Kanak !

L’ordre colonial

Les indépendantistes, dans un communiqué commun de la CCAT, du FLNKS et des chefs coutumiers, dénoncent un acte de guerre, affirmant que les déclarations menaçantes du haut commissaire Le Franc sont responsables de cette situation. En effet, non content d’infliger sa justice coloniale aux militantEs kanak, l’État français entend bien faire régner l’ordre : « L’ordre républicain sera rétabli, quoi qu’il en coûte », a dit, le 19 mai, Louis Le Franc ! Il s’agit de faire disparaître les barrages et les entraves à la vie économique du territoire, dont il a provoqué lui-même le regain par ses mesures judiciaires d’exception ! Quitte à faire de nouvelles victimes ! Les déclarations de Le Franc sonnent bel et bien comme un permis de tuer : « s’ils veulent utiliser leurs armes, ils prennent tous les risques », a-t-il encore déclaré !

Et l’État renforce son arsenal : un navire, le Calao, est arrivé à Nouméa le 11 juillet, avec à son bord dix blindés de type Centaure, véhicule d’intervention qui peut tirer des grenades lacrymogènes et peut être équipé d’une mitrailleuse, ainsi que plusieurs véhicules blindés dits d’exploration et des tout-terrain, dont les vitres ont été renforcées contre les tirs à balles réelles.

Offensive loyaliste 

Trois jours plus tard, dans une allocution solennelle prononcée le 14 Juillet, pin’s tricolore au revers de la veste, Sonia Backès, présidente de la province Sud et cheffe de file des loyalistes, « a plaidé pour une séparation des provinces calédoniennes, jugeant, dans un discours particulièrement virulent à l’égard des indépendantistes, que le "destin commun a échoué"1»

Elle monte au créneau pour compléter le travail. Le maintien du troisième référendum en décembre 2021, puis la révision de la loi constitutionnelle organisant le dégel du corps électoral remettaient en cause la démarche de décolonisation portée par les accords de Matignon et de Nouméa. Voilà maintenant la perspective de la séparation qui l’enterre à jamais ! Au long de ces longues minutes d’un discours éprouvant, teinté de racisme et de mépris de classe, elle trace l’opposition entre d’un côté une perspective libérale dans un territoire où règnerait l’ordre et le mérite, la prospérité, le progrès quoi ! et de l’autre des territoires livrés à la chienlit indépendantiste, coutumière, féodale, le chaos quoi ! 

Nous reviendrons sur l’analyse de ses propos, mais une première question se pose : agit-elle en pointe avancée de la macronie ? Ou cherche-t-elle à établir un rapport de forces favorable aux loyalistes ? Dans un cas comme dans l’autre, nous dénoncerons sa vision séparatiste !