Publié le Mercredi 7 mai 2025 à 13h00.

Le 1er Mai en Amérique, est-ce parti pour durer ?

Le 1er Mai n’est pas un jour férié aux États-Unis. Dans la plupart des États et des villes, il n’est pas célébré. 

Dans certains endroits, dans les écoles ou les parcs publics, les gens installent un mât et dansent autour pour célébrer l’arrivée du printemps. C’est ce que nous faisions dans mon école primaire de Chicago lorsque j’étais enfant. La fête du travail officielle aux États-Unis, qui est une fête nationale, est célébrée le premier lundi de septembre et marque la fin de l’été et le retour des élèves à l’école. Mais peut-être que cette année les choses ont enfin changé.

Une manifestation de la classe ouvrière

En ce 1er Mai, fête internationale du travail, des centaines de milliers d’AméricainEs ont rejoint des dizaines de rassemblements et de marches dans les 50 États pour protester contre les 100 premiers jours dévastateurs du président Donald Trump. Ils ont protesté contre la fermeture des services gouvernementaux, le licenciement de centaines de milliers de travailleurEs, la fin des programmes alimentaires pour les enfants, les handicapéEs et les personnes âgées, les coupes dans les soins de santé, les expulsions illégales d’immigrantEs, les tarifs douaniers et les guerres commerciales, ainsi que les nombreuses autres mesures terribles prises par Trump.

Il s’agit de la dernière d’une série de manifestations nationales contre Trump, et celle-ci avait un caractère différent. Lorsque j’ai rejoint la manifestation à New York, de nombreux syndicats étaient présents : le Transportation Workers Union qui gère les métros de la ville, deux syndicats du commerce (le Retail, Wholesale, Department Store Union et le United Food and Commercial Workers Union), les travailleurEs des communications (Communication Workers), un syndicat universitaire (le Professional Staff Council of the City University), et d’autres encore. La présence des syndicats signifiait qu’il y avait plus de NoirEs et de Latinos dans cette manifestation que dans les précédentes. La manifestation a donc pris une tournure ­différente, celle de la classe ouvrière.

Haymarket Square 

Les syndicats défilant le 1er Mai sont rares aux États-Unis et, dans la plupart des cas, relativement nouveaux. En 1882, les syndicats new-yorkais qui luttaient pour la journée de 8 heures ont organisé une manifestation pour la fête du travail en septembre. Ensuite, la fédération nationale des syndicats a appelé à des grèves en mai pour obtenir la journée de huit heures. Le 1er mai 1886, les anarchistes allemands de Chicago organisent des grèves prolongées et des manifestations en faveur de la journée de 8 heures, mais le 3 mai, la police attaque un rassemblement ; il y a deux morts et des blessés. Le lendemain, un nouveau rassemblement de protestation a lieu à Haymarket Square, mais il est également attaqué par la police tandis qu’une bombe éclate. Huit « radicaux » ont été arrêtés, jugés et condamnés pour l’attentat à la bombe, et quatre d’entre eux ont été pendus. Pour honorer les martyrs de Chicago, la Conférence socialiste internationale de 1889 a adopté le 1er Mai comme fête internationale des travailleurEs.

Le 1er Mai et le 1er Septembre, jour férié depuis 1894

Les travailleurEs américainEs avaient alors le choix entre la fête du travail de septembre, qui devint un jour férié en 1894, et le 1er Mai. Là où les partis socialiste ou communiste étaient présents, des célébrations du 1er Mai avaient lieu, mais dans la plupart des endroits, c’est le jour férié de septembre qui a prévalu. Après la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide a éclaté, accompagnée d’une croisade anticommuniste et des persécutions des communistes par le sénateur Joseph McCarthy, et les célébrations du 1er Mai ont diminué. Le président Eisenhower a proclamé le 1er mai Journée du droit. À la même époque, l’Union soviétique fait de ce jour férié une démonstration de sa puissance militaire avec des défilés de chars et de missiles sur la place Rouge à Moscou.

Dans les années 1960 et 1970, ce sont les immigrantEs latinos, les PortoricainEs de New York et les MexicainEs de San Francisco et de Los Angeles, qui ont commencé à réintroduire les rassemblements de travailleurEs et les marches du 1er Mai dans leurs communautés. En 2006, dans le cadre de la lutte pour la réforme de l’immigration, des centaines de milliers de Latinos ont manifesté à Los Angeles et à Chicago le jour du 1er Mai, donnant à l’événement le caractère d’une grève générale. Pourtant, le jour férié n’a pas été adopté par le reste de la population.

Cette année, les manifestations contre Trump, contre son autoritarisme et son programme réactionnaire ont peut-être remis cette fête au calendrier national, les travailleurEs américains rejoignant le reste du prolétariat mondial dans les rues le 1er Mai. Nous verrons le 1er Mai prochain.

Dan La Botz (traduction Henri Wilno)