Publié le Dimanche 13 mai 2012 à 22h50.

Le dimanche sanglant de Poutine

Le 6 mai, à la veille de l’inauguration de la présidence de Vladimir Poutine, qui entame désormais son troisième mandat, une manifestation massive a eu lieu à Moscou, et s’est terminée par une confrontation sauvage avec la police.

Bien que l’on ait pu s’attendre à une retombée des mobilisations par rapport à cet hiver, l’action de ce dimanche était aussi massive : selon nos estimations, plus de 70 000 personnes ont participé à la manifestation qui avait lieu dans le centre-ville pour dire « Non » au régime politique en place. Dans le cortège, la gauche radicale était beaucoup plus visible qu’auparavant : étaient entre autres présents le Front de Gauche, le Bloc anarchiste et antifasciste ainsi que notre organisation, le Mouvement socialiste de Russie (RSD). Les revendications portaient sur la démocratisation en général mais également sur des questions sociales.

Les militants venus d’autres villes constituaient une bonne partie du cortège : plus de 1 000 personnes se sont déplacées de Saint-Pétersbourg, il y avait aussi des groupes venus de Samara, Astrakhan, Iaroslav, etc.

Quand l’immense foule des manifestants s’est approchée de la place Bolotnaya, où devait se tenir le meeting, des détachements spéciaux de la police et des véhicules blindés lui ont barré la route. La foule qui ne pouvait plus reculer a tenté de passer à travers le cordon, c’est alors qu’ont eu lieu les premières arrestations. Par la suite, quelques milliers de manifestants qui avaient réussi à pénétrer sur la place ont tenté de dresser un camp et ont refusé de se disperser jusqu’à ce que les personnes arrêtées – plusieurs centaines à ce jour – soient libérées. S’est alors déclenchée une bataille rangée entre la police et les manifestants, comme Moscou n’en avait plus connu depuis vingt ans.

La police a tiré des balles à blanc, jeté du gaz lacrymogène, donné des coups de matraque aux personnes couchées sur le sol et les a jetées dans les cars. En réponse, les manifestants se sont mis à arracher les casques et les gilets pare-balles des policiers, afin de les lancer dans la rivière Moskova sous des tonnerres d’applaudissements. Après quelques heures, la police est tout de même parvenue à disperser le reste des manifestants encore présents sur la place.

Cependant, des altercations avec la police ont eu lieu jusque tard dans la nuit dans le quartier central de la rivière Moskova. Des groupes de jeunes ont tenté de mener des actions devant les postes de police où se trouvaient les personnes arrêtées plus tôt.

Ces événements marquent sans aucun doute un tournant dans l’histoire du tout jeune mouvement de contestation en Russie. Après les meetings festifs et non violents mis en place par la « classe créative », le mouvement se transforme peu à peu en une confrontation ouverte entre la jeunesse étudiante et travailleuse en colère et la police. Il est significatif que le nouveau mandat de Vladimir Poutine s’ouvre sur un tel événement. Il est aujourd’hui clair pour touTEs que ce mandat sera le dernier, pas seulement pour cette personne, mais aussi et surtout pour tout un système politique dont des personnes telles que Vladimir Poutine sont le pur produit.

RSD, 7 mai 2012