Le Liban avait connu des manifestations importantes au début de l’année 2011 contre le régime confessionnel suite à des soulèvements régionaux, mais le mouvement avait malheureusement pris fin quelques mois plus tard. Une nouvelle dynamique populaire a commencé avec la campagne « Vous puez ! » déclenchée suite à une crise de la gestion des déchets.
Des tas d’ordures se sont accumulés dans les rues de Beyrouth depuis le début du mois de juillet, après la fermeture d’un site majeur dans la ville de Naameh, ville côtière du Sud, lieu de décharge. Par la suite, le gouvernement d’unité nationale libanais a transporté certains tas d’ordures dans les régions les plus pauvres pour soulager momentanément les tensions dans Beyrouth, la capitale, et épargner les quartiers les plus embourgeoisés. L’accumulation de déchets n’ayant toujours pas trouvé d’issue à la crise, la plupart des rues du Liban en sont maintenant remplies.
La campagne « Vous puez ! » revendiquait d’abord une solution écologique à la crise des déchets, mais par la suite le mouvement s’est radicalisé pour dénoncer le régime confessionnel et bourgeois libanais dans son ensemble. Lors de la première mobilisation autour de cette campagne le samedi 22 août, plus de 10 000 personnes ont manifesté dans les rues de Beyrouth.
La répression de l’armée et de la police fut violente. Malgré la répression féroce, la mobilisation repartit de plus belle le lendemain, comme un défi à la police, avec environ 20 000 personnes à Beyrouth. On pouvait lire sur les murs du luxueux centre ville investi par les manifestantEs des graffitis tels que « à bas le capitalisme », « Downtown Beyrouth appartient au peuple », « non à l’homophobie, au racisme, au sexisme et au classisme » ou même « Révolution ».
D’autres mobilisations ont eu lieu dans d’autres localités, plus particulièrement dans la région du Akkar située dans le nord du Liban, la plus pauvre du pays et la moins desservie en services. Les populations locales s’y sont mobilisées sous le slogan « le Akkar n’est pas une poubelle », alors que le gouvernement a proposé de transporter les déchets dans cette région.
Une onde de choc régionale
Samedi 29 août, une nouvelle manifestation encore plus importante s’est déroulée dans la capitale, rassemblant entre 60 000 et 100 000 personnes. On pouvait y lire et entendre les messages suivants : « Révolution contre la classe dominante, contre le confessionnalisme, contre le racisme et contre le patriarcat », « Laïcité, égalité et justice sociale », « De Douma [en Syrie] à Beyrouth, le peuple est un et ne meurt pas », « De Bagdad à Damas, Beyrouth et la Palestine, une seule révolution », « Le peuple veut la chute du régime confessionnel », etc.
Les mobilisations populaires continuent et s’étendent à toutes les régions du pays avec des manifestations, occupations de ministères, sit-ins… Certains syndicats ont également appelé à rejoindre les mobilisations.
De nombreux manifestantEs dénonçaient également la corruption des élites politiques, de même que les politiques néolibérales et de privatisations qui ont appauvri les classes populaires du pays et entraîné la destruction des services publics. Les multiples tentatives des partis politiques confessionnels et bourgeois de récupérer le mouvement à son avantage sont pour l’instant un échec.
Les mobilisations au Liban, comme celle qui se poursuit en Irak et qui a rassemblé également des centaines de milliers de manifestantEs le 28 août, nous montrent que, malgré les différentes offensives contre-révolutionnaires, l’onde de choc des processus révolutionnaires de la région débutés en 2011 est loin d’être terminée.
Joseph Daher