Publié le Jeudi 11 janvier 2024 à 17h00.

L’Union européenne, offensive de classe du capitalisme

À la fin de la guerre, de nombreuses villes, les transports, les logements, les usines, les infrastructures et bon nombre de sites industriels sont détruits. Les emplois ont disparu, la pauvreté est partout. Il faut reconstruire. Ce sera une Europe non pas pour répondre aux besoins immenses des peuples mais pour satisfaire les profits des plus riches.

Deux décisions vont permettre cette Europe-là. En 1945, Roosevelt, Churchill et Staline signent l’accord de Yalta. Ils veulent réorganiser l’Europe après la capitulation de l’Allemagne, se répartir l’occupation de son territoire, redessiner les frontières de plusieurs États européens et garantir la stabilité du nouvel ordre international. Les vainqueurs se partagent le monde.

En 1947, le plan Marshall officialise un prêt américain de 16 milliards de dollars pour la reconstruction européenne à condition d’importer pour un montant égal des équipements et des produits américains. Double intérêt pour le capitalisme états­unien : écouler les surplus d’une croissance économique florissante et implanter ses firmes sur le sol européen. Truman, président des USA, veut contenir le communisme, il va donc faciliter la création d’une Europe capitaliste, censée être plus désirable pour les populations que l’économie planifiée soviétique. 

Dès les prémisses de l’Europe, les peuples ont été ignorés, tenus à l’écart des décisions qu’ils vont subir. 

La construction de l’Europe capitaliste 

La fabrication du droit européen va reposer sur les traités signés entre les États, au service des intérêts des capitalistes. 

En 1951, l’Europe des Six (Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) voit le jour avec la création de la CECA (Communauté économique du Charbon et de l’Acier) pour une durée de cinquante ans. Il s’agit de réconcilier la France et l’Allemagne autour d’un intérêt commun pour assurer la paix et la prospérité économique entre les États européens.

En 1957, deux traités de Rome. L’un crée EURATOM, à durée illimitée, afin de coordonner les recherches pour le développement rapide de l’énergie nucléaire civile. L’autre crée la CEE (Communauté économique européenne) : lancement du grand marché européen. Plusieurs politiques communes sont instituées. Les fonds alloués à ces politiques vont d’abord à l’agroalimentaire et à ­l’industrie productiviste.

En 1986, l’Acte unique élargit le domaine des marchandises à l’ensemble des services publics. La concurrence libre et non faussée devient obligatoire, d’où une très grande vague de libéralisations. La transposition des directives dans chaque État conduit à d’importantes privatisations dans l’ensemble des services publics (tous les transports, la poste, les télécoms, l’électricité, le gaz, puis la santé et l’éducation). C’est aussi le démantèlement des règles de travail et des protections sociales.

En 1993, le traité de Maastricht institue l’Union européenne (UE). C’est l’achèvement de l’Union économique avec la libre circulation des capitaux, des biens, des personnes et des services. Et la mise en place de la monnaie unique. La Banque centrale européenne, complètement indépendante, gère l’euro et la stabilité de la monnaie. Les fameux « critères de Maastricht » encadrent de manière drastique les budgets nationaux. Le tournant autoritaire se renforce : politique européenne de sécurité commune (la PESC) et coopération policière et judiciaire.

Les traités d’Amsterdam (1997) et de Lisbonne (2007) — ce dernier établissant la Constitution européenne battue en brèche en France lors du référendum de 2005, mais ratifié par Sarkozy en 2008 avec l’approbation de Hollande — visent le plein emploi, l’égalité hommes/ femmes, le respect des droits humains et la sécurité. Seul le volet sécurité s’est réalisé. Le budget de Frontex a explosé : il est passé de 6 millions à sa création en 2005 à 845 millions en 2023 ! Sa première mission est le refoulement des migrantEs. 

Avec la casse des services publics, la dérégulation de l’ensemble des conquêtes sociales et une xénophobie meurtrière, l’Europe (27 États à ce jour depuis le retrait du Royaume-Uni en 2020) est une manne généreuse pour les capitalistes et un danger mortel pour les peuples.