La plus importante manifestation politique depuis au moins dix ans vient de se dérouler à Londres le 26 mars. Entre 250.000 et 400.00 manifestants ont participé à la «Marche pour l’Alternative» organisée par le Trade Union Congress (TUC) la confédération syndicale. Survenant à peu près un an après l’élection d’une coalition entre Conservateurs et Libéraux-Démocrates qui a été claire depuis le début sur sa volonté de réduire les dépenses publiques de 81 milliards de livres, on ne peut pas reprocher au mouvement syndical de s’être précipité!
Les coupes budgétaires procèdent d’une guerre de classe. 7 milliards (de livres) concernent les dépenses sociales. Les budgets locaux sont réduits de 9 % dans certaines régions et toutes les données disponibles montrent que plus les régions sont pauvres et plus les réductions budgétaires sont importantes. Cela se traduit par de scoupes sur les budgets concernant le sjeunes, les anciens et le splus vulnérables. Cela signifie aussi la suppression de milliers d’emplois, notamment dans les secteurs les plus syndiqués des services publics.
La manifestation démontre que les syndicats sont capables d’organiser des masses de gens d’une manière qu’aucun autre type d’organisation ne peut le faire. Les trains et les cars ont amené des syndicalistes des familles et des groupes d’amis venus de toute l’Angleterre, d’Ecosse et du Pays de Galles. Ce fut une démonstration dont le cœur était constitué par le mouvement ouvrier organisé. Sans doute manquait-il les usagers des bibliothèques, des piscines et des clubs de jeunes que l’on est en train de fermer… Ce qui se traduit aussi par des dizaines de milliers de pertes d’emplois dans le secteur public et assimilés.
Pour l’essentiel, la couverture de presse s’est focalisée sur un petit nombre d’actions menées par des poignées de personnes. On peut les classer en deux catégories. La première était une intervention organisée, venant d’anarchistes marginaux qui cherchaient l’affrontement avec la police et ont attaqué quelques banques et quelques boutiques. La seconde était la preuve d’une radicalisation nouvelle. L’organisation «UK Uncut» s’est spécialisée dans des intrusions pacifiques dans les locaux d’entreprises comme Vodafone pour ne pas payer l’intégralité des notes téléphoniques. Cette pratique d’action directe recueille beaucoup de sympathie et a commencé à susciter des imitateurs…
Pour la direction bureaucratique des syndicats, cette manifestation constitue un problème. 165.000 emplois dans les collectivités territoriales et 50.000 dans les hôpitaux sont aujourd’hui sur le billot. Beaucoup parmi ces emplois seront supprimés quelques jours après la manifestation et leurs titulaires jetés au chômage.
Les syndicats ont peur de voir leurs ressources financières confisquées et craignent tellement la mise en œuvre des lois anti-syndicales qu’ils ne comptent pas organiser d’action nationale. Pour l’instant, il n’y a eu que très peu de consultations préalables à la grève. Or on ne peut pas gagner avec un niveau d’actions grévistes aussi faible. On gagnera peut-être la bataille de conviction… mais cela n’arrêtera pas le plan des Conservateurs.
La Coalition de Résistance, qui a le soutien de fédérations syndicales comme UNITE et UCU, aussi bien que la Charte du Peuple ou la campagne Droit au Travail, ont fait passer un double message: il faut s’opposer à toutes les coupes budgétaires car nous ne sommes pas responsables de la crise. Et des actions de masse impulsées par les syndicats, les groupes locaux anti-coupes budgétaires et les organisations de base peuvent obliger le gouvernement à retirer son plan. Les pancartes de la Coalition pouvaient être vues tout au long de la manifestation avec un message simple: «Pas de coupes».
Les dirigeants bureaucratiques sont prêts à sacrifier les dizaines de milliers d’emplois de leurs membres plutôt que d’organiser un vrai combat. Les liens entre les syndicats et le Parti travailliste sont désormais le moyen le plus efficace de contrôler le militantisme sur les lieux de travail, même si les dernières élections montrent que les travailleurs votent encore travailliste par réflexe de protection. En fait, les dirigeants du Parti travailliste comme ceux de très nombreux syndicats pensent que les actions de grève pour défendre les emplois leur font perdre des voix. Mais pas seulement. Ils pensent aussi que si les travailleurs prennent l’habitude de combattre pour défendre leurs intérêts contre les Conservateurs et les Libéraux –Démocrates, alors ils le feront probablement aussi contre les collectivités gérées par les travaillistes et contre un futur gouvernement travailliste qui,lui aussi, aura son programme de coupes budgétaires…
Nous savons que dans un avenir proche les conservateurs et les libéraux-démocrates vont exiger de nouvelles suppressions d’emplois, de nouvelles baisses de salaire, des destructions de services publics et des privatisations. A cause de l’inertie de la Confédération syndicale TUC, notre classe est entrée sur le ring et s’est faite marteler au cours du premier round. Nous devons apprendre de cette expérience. La manifestation a mis en évidence la force des travailleurs organisés et de l’aspiration de millions d’autres qui attendent qu’ils déclenchent l’épreuve de force.
Il faut insister pour que le TUC s’y mette.
Il devrait se mobiliser en soutien à tous les groupes de travailleurs qui agissent pour défendre leurs emplois, leurs salaires, leurs retraites ou leurs conditions de travail. Il devrait faire cela avec une détermination au moins égale à celle dont font preuve les et les Libéraux-Démocrates dans leur offensive. Cela implique des choses aussi simples que d’organiser des prises de parole et encourager les fédérations et les syndicats à effectuer des collectes de solidarité lorsqu’il y a des grèves.
Il devrait expliquer aux fédérations d’importance de construire des liens avec les communautés et les usagers qui sont victimes des coupes. Pour l’instant, c’est une faillite complète mais tout dirigeant syndical qui prétend mériter son salaire devrait s’y atteler !
La décision d’une «action nationale et coordonnée» contre les coupes, prise par le TUC lors de son congrès en Septembre dernier, doit être mise en œuvre sans retard.
Il faudrait lancer une campagne massive en défense du financement des retraites du service public et pour une augmentation du financement des retraites du secteur privé. C’est quelque chose qui va affecter tous les travailleurs et pourrait permettre au TUC de se porter en première ligne du combat contre ce que la classe dirigeante essaie de faire. Or sur cette question, le TUC est toujours dans les vestiaires…
Aucune de ces suggestions n’est spécialement radicale. C’est seulement la base minimum à partir de laquelle l’unité la plus large possible peut être construite et à partir de laquelle le mouvement ouvrier pourrait commencer le second round, comme s’il se souvenait ce qu’il est supposé faire au moment où la cloche sonne. Si le mouvement subit maintenant une défaite sur la question des coupes budgétaires locales, alors il connaîtra un sentiment de démoralisation et de désespoir qui entraînera probablement sa défaite contre les projets concernant le système de santé et les attaques à venir sur les retraites.
Bill Curtis