Publié le Jeudi 8 octobre 2015 à 09h58.

Merkel, Hollande, Le Pen et le souverainisme…

Une première depuis vingt-six ans, le président de la République française et la chancelière allemande se sont conjointement exprimés mercredi devant le Parlement européen de Strasbourg. « Un moment historique », dixit Martin Schulz. La dernière fois, c’était peu après la chute du mur de Berlin, en 1989, Mitterrand et Helmut Kohl, l’Allemagne engageait sa réunification.

Aujourd’hui, leur Europe est confrontée à la crise des migrants. « Cela va modifier l’Europe, tout comme il y a 25 ans », selon Merkel. En fait, c’est une nouvelle crise de leur construction européenne qui se déroule, engendrée par la montée des nationalismes, du souverainisme et de la xénophobie.

Hollande et Merkel prétendent le combattre : « face à la crise des réfugiés, nous ne devons pas être tentés d’agir à l’échelle des États. C’est tout le contraire ! Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à la résoudre. [...] Le retour aux frontières intérieures serait une erreur tragique mais il faut améliorer Schengen », défend Hollande. « Se cloisonner, se refermer, à l’époque d’Internet, c’est une illusion » prétend Merkel. Mais leur discours creux sont impuissants. En fait les deux puissances dominantes de l’Europe n’ont qu’une réponse, plier les autres États à leur politiques, comme il y a 25 ans l’Allemagne de l’Ouest, le capitalisme allemand, a absorbé l’Allemagne de l’Est pour son seul profit. Ils sont incapables de surmonter démocratiquement leur crise tout comme ils sont incapables d’avoir une réponse démocratique à la question des réfugiés, c’est-à-dire l’ouverture des frontières.

Leur impuissance nourrit l’arrogance de l’extrême-droite

Marine Le Pen profitant de ses deux minutes d’intervention au nom de l’extrême-droite européenne a provoqué Hollande : « Merci Madame Merkel de nous faire le plaisir de venir avec votre vice-chancelier, administrateur de la province France[…] Monsieur le vice-chancelier, j’aurais aimé pouvoir vous appeler “Monsieur le président de la République”, par respect pour votre fonction, mais pas plus que votre prédécesseur vous n’exercez cette présidence. Un président de la République ne pourrait pas dire “le souverainisme c’est le déclinisme”, comme vous venez de le faire. Parce que le président de la République est garant de la Constitution française dont le titre 1 est “La souveraineté” » Et de flatter le nationalisme le plus éculé accusant Hollande « de se soumettre aveuglément à une politique décidée à Berlin, Bruxelles ou Washington » pour dénoncer une « tentative absurde d’une domination allemande de l’Europe[...]. Je suis la représentante du peuple français », je suis « l’anti-Merkel ». La ridicule grandiloquence réactionnaire a reçu une réponse creuse : « Ce que j’appelle ici, ce n’est pas l’abandon de la souveraineté, c’est la souveraineté ! Et la souveraineté n’a rien à voir avec le souverainisme. La souveraineté européenne, c’est être capable de décider pour nous-mêmes et éviter que ce soit le retour au nationalisme, au populisme, aux extrémismes qui nous imposent aujourd’hui d’aller dans un chemin que nous n’avons pas voulu ».

Sauf que cette souveraineté est niée par des États qui combattent leur propre population et les peuples dominés. Prétendant répondre au drame des migrants, Hollande n’a pas eu d’autres idées que de proposer d’« apporter une aide à la Turquie[...]. Nous devons répartir les réfugiés entre les états membres ». Et d’ajouter « l’Europe a été lente à comprendre que la crise dans le Moyen-Orient et en Afrique a des conséquences pour l’UE []. Nous sommes maintenant prêts à faire preuve de détermination […] si nous laissons la crise syrienne escalader, nous ne seront pas protégés[]. Si nous laissons les affrontements religieux s’amplifier, ne pensons pas que nous serons à l’abri ; ce sera une guerre totale ». Mais la responsabilité principale en revient à ceux qui ont mis le Moyen Orient à feu et à sang, les grandes puissances dont la France qui ont mené la guerre contre l’Irak, puis en Afghanistan et ont créé une situation qui, aujourd’hui, représente une menace mondiale.

Et ils n’ont pas d’autre réponse que la fuite en avant, la police contre les migrants, les frappes aériennes contre Daesh au seul bénéfice de Assad protégé par Poutine.

Seule une autre Europe pourrait agir pour la paix dans le monde, une paix démocratique fondée sur le respect des droits des peuples, la solidarité et la coopération entre les peuples. Cette Europe, ce seront les travailleurs qui la construiront contre Merkel, Hollande, Le Pen.

Yvan Lemaitre