Le Népal a été frappé mardi 12 mai par un second tremblement de terre de forte puissance, alors que l’aide internationale reste chaotique.
Tout tremblement de terre important augmente l’instabilité des failles tectoniques. Il est donc suivi de nombreuses répliques et, parfois d’un autre puissant séisme comme ce fut le cas au Népal mardi dernier, avec une secousse de magnitude 7,3 (elle était de 7,8 le 25 avril), avec son cortège de destructions dans un pays déjà lourdement frappé.Ce second séisme complique la tâche des secours, obligés de rechercher à nouveau les survivants et les corps des victimes au lieu de se concentrer sur la distribution de l’aide et la réhabilitation. Il renforce le sentiment d’insécurité d’une population en stress permanent, consciente de la fragilité de sa situation. Un stress d’autant plus fort qu’aucune politique de prévention n’avait été préalablement mise en place et que les secours sont chaotiques, inégalitaires. L’insupportable attente des villages reculés offre ainsi un douloureux contraste avec la cohorte d’hélicoptères privés loués par les assurances en faveur des touristes himalayens.Par rapport à d’autres catastrophes humanitaires (notamment les inondations meurtrières au Bangladesh voisin), le Népal a bénéficié d’une très grande visibilité médiatique et, en conséquence, d’une forte mobilisation de gouvernements et de grandes ONG. Est-ce un mal pour un bien ?
Interventions humanitaires et enjeux diplomatiquesTout s’est fait dans le désordre le plus complet. Les avions sont partis sans savoir s’ils pourraient atterrir sur le petit aéroport de Katmandou, engorgé : celui que la France a affrêté a même dû faire demi-tour ! Des organisations humanitaires ont débarqué sans aucun contact sur place, cherchant en priorité un lieu d’intervention où elles pourraient être vues des télévisions. Des stocks de pots de mayonnaise ont été envoyés, sans aucune préoccupation sur les besoins alimentaires réels des populations sinistrées… Tout ceci après tant d’expériences précédentes qui ont montré non seulement l’inefficacité, mais aussi la nocivité de cette politique « hors-sol » de l’aide (le désastre haïtien en offrant l’exemple le plus criant).Sous couvert d’intervention humanitaire, la visibilité d’un pays sinistré en fait aussi l’enjeu de conflits géopolitiques. Au Népal, il s’agit tout d’abord de la lutte d’influence sino-indienne dans l’Himalaya. Les moyens mobilisés sont alors très importants, mais la propagande, la mise sous tutelle du régime, le renforcement des liens avec les possédants, prennent le pas. En témoigne l’attitude de la majorité des grands médias indiens venus sur place louer l’action de « leur » gouvernement au risque de rendre les victimes invisibles (et de s’approprier des hélicoptères qui auraient dû acheminer l’aide).Certes, de grandes associations comme Médecins sans frontières apportent des secours précieux. Il faut donc se garder de tout mettre dans le même sac. Mais le Népal montre une fois de plus que l’intervention humanitaire est devenue un « marché compétitif » pour bon nombre d’ONG « professionnalisées », et que la « politique de l’aide » telle que conçue par les gouvernements répond à des objectifs « diplomatiques » dont les populations sinistrées se retrouvent otages.À la politique de l’aide « hors-sol », il faut opposer une solidarité « de terrain » grâce à l’action de mouvements sociaux progressistes socialement enracinés. Elle doit être pensée en faveur des plus démunis, dans la durée. Nos propres liens au Népal étant ténus, nous espérons pouvoir le faire avec la Via Campesina et sa section népalaise.
Pierre Rousset