Après des mois d’intense négociation, de chantage et de menace d’Areva, le gouvernement nigérien et la multinationale française ont signé un accord. Travailleurs et population des sites d’exploitation continuent à payer le prix lourd.
Le Niger a toujours été la chasse gardée d’Areva, héritage des accords néo coloniaux imposés par De Gaulle aux pays africains nouvellement indépendants qui se devaient de fournir la France en pétrole et en uranium. Autant dire qu’Areva a largement profité de la situation... Selon un rapport de l’ITIE (Initiative pour la transparence des industries extractives) de décembre 2012, l’uranium représente près de 70 % des exportations du Niger mais contribue seulement à hauteur de 7,8 % au PIB du pays. Deux raisons principales expliquent ce paradoxe. D’abord, le prix payé par Areva : quand sur le marché spot (marché à long terme) le prix du kilo de l’uranium est de 140 $, la multinationale le paye au Niger 80 $... De plus, le code minier nigérien n’était pas applicable à Areva, lui permettant ainsi de se soustraire à ses obligations fiscales.
Un accord qui reste secretQu’apporte donc ce nouvel accord ? Peu de choses ont filtré, d’où la revendication de transparence de la société civile nigérienne. L’article 148 de la Constitution stipule que « les ressources naturelles et du sous sol sont la propriété du peuple nigérien » et l’article 150 oblige que les contrats miniers soient publiés au Journal officiel. Mais c’est aussi une promesse de Hollande, qui déclarait lors de son discours à Dakar : « Le premier de ces principes auxquels j’adhère, c’est la transparence. Vous avez raison d’exiger de toutes les entreprises qui viennent ici investir chez vous ou occuper des positions d’être transparentes et de pouvoir rendre des comptes chaque fois qu’il est nécessaire ». Doit-on rappeler qu’Areva est une entreprise publique ? Si le gouvernement nigérien a bien déclaré que désormais Areva respecterait le Code minier de 2006, c’est pour préciser aussitôt que la multinationale française bénéficierait de l’exemption de la TVA, d’où la perte d’une quinzaine de millions d’euros. De plus, Areva pourra prolonger le report de l’exploitation de la mine d’Imouraren qui occasionne aussi un important manque à gagner.
Le danger du nucléaire commence au NigerMais au-delà de cet accord, le danger du nucléaire reste posé. Les conditions d’exploitation de l’uranium impactent la santé des populations et des mineurs nigériens. En effet on considère que pour la production d’une tonne d’uranium, 2 000 tonnes de déblais radioactifs sont produits. Ces déchets sont entreposés à l’air libre, sujets aux vents et aux tempêtes de sable. À cela, il faut ajouter la production du gaz radon, hautement cancérigène, provoqué par l’extraction des minerais. La question de l’eau est aussi inquiétante. Elle est nécessaire à la transformation du minerai en yellow-cake (poudre compactée de couleur jaune), et Areva a quasiment utilisé 70 % des nappes phréatiques. Une fois utilisée, cette eau reste radioactive pendant des années, et stockée dans des bassins qui sont loin d’être optimum, puisque l’un d’eux s’est effondré, libérant des tonnes d’eau radioactives. Au sud, avec l’extraction de l’uranium, ou dans les pays du nord, avec son utilisation à des fins civiles et parfois militaires, les dégâts environnementaux et sanitaires du nucléaire impliquent la cessation de ces activités et la prise en charge financière par Areva de la décontamination et du suivi médical des populations.
Paul Martial